Ce CSA se tient quatre jours après les terribles événements d’Arras et a au lendemain du troisième anniversaire de l’assassinat de Samuel Paty.
D’abord l’effroi
Toute la communauté éducative est sous le choc. Le Sgen-CFDT Bretagne tient ici à exprimer une fois encore, une fois de trop, son effroi, son horreur et sa sidération face à ce nouvel acte terroriste qui vise l’école.
Aujourd’hui, comme il y a trois ans, elle est victime du terrorisme islamiste qui ne supporte pas que l’école de la république soit un lieu de liberté et d’émancipation.
Il y a clairement un avant et un après Samuel Paty. Comme si cela constituait une ouverture des possibles, aujourd’hui les enseignant·es sont devenu·es des cibles.
Aussi nous nous félicitons des mesures de protection prises par le gouvernement, mais nous savons aussi qu’elles ne sont pas infaillibles, et qu’il revient à chacune et chacun d’entre nous d’être vigilant·e.
L’école face au piège des enjeux politiques
La communauté éducative depuis quelques temps est confrontée à une montée des violences et des menaces. De plus en plus prise en étau entre le fondamentalisme islamiste et l’extrême droite identitaire ou catholique intégriste.
Aujourd’hui à Arras, une collègue reçoit des menaces de mort de la part de l’extrême droite pour avoir exprimé son soutien aux migrants.
Alors, nous sommes d’accord avec le ministre lorsqu’il nous dit que la nation doit faire corps autour de son école. Mais cette unité et ce soutien apporté par la nation ne doivent pas se limiter au temps du deuil.
Aussi, passé le moment de sidération et de tristesse, il va falloir prendre le temps de regarder ce à quoi l’école fait face. Nous devons interroger cette intrusion et cette montée des violences contre l’école et dans l’école.
Placée en première ligne et sommée par la classe politique de répondre chaque jour un peu plus à des enjeux de société qui la dépassent elle se retrouve bien seule et démunie.
L’école n’est pas un service c’est une institution.
Mais surtout elle est de plus en plus exposée.
Cela n’est pas nouveau, que l’école soit un enjeu politique en France. En revanche ce qui est nouveau c’est sa fragilité.
Les personnels, nous vous en avons fait part dans d’autres instances et encore la semaine dernière en F3SCT, sont fatigués, usés. Le sentiment d’abandon et de solitude face aux difficultés est très prégnant. Ils ne se sentent pas soutenus ni reconnus.
Les professeur·es, dit Philippe Meirieu, chevillent la démocratie. On ne peut pas se contenter de s’en souvenir dans les seuls moments de douleur.
Ils ne sont pas des marchands de services sur lesquels les parents peuvent faire pression, ni les exécutants des désirs d’un ministre.
L’école n’est pas un service, c’est une institution.
Les professeurs ont droit au respect. Et lorsque, par exemple, les élus de la nation, insultent les représentants des personnels à l’assemblée nationale, le signal envoyé est délétère pour l’école.
Panser les plaies et soigner l’institution
Plus encore l’école est fragilisée par la perte de sens, l’absence de projet et d’ambition pour l’éducation. Il est temps d’arrêter les annonces quotidiennes, les projets qui s’empilent sans suivi, sans lendemain et sans cohérence.
Il est temps de se poser et de dessiner un projet pour l’école avec celles et ceux qui la font.
Nous devons construire du commun pour panser les fractures de la société.
Nous souhaitons terminer cette déclaration par une citation des propos de Cynthia Fleury
« Les institutions sont normalement les grandes garantes des conditions dignes.
Or, dans de nombreux domaines, elles produisent de l’indignité en cascade.
Soignants, professeurs, magistrats, etc. : tous ces agents des services publics ne peuvent plus exercer leur ethos dans des conditions dignes.
Ils mettent leur corps et leur santé mentale en danger.
Le pacte démocratique est atteint en ce que les institutions deviennent une fabrique de l’indignité.
Quand on casse le lien de désir et de respect entre un individu et une institution démocratique, un autre lien se réinstalle. On arrive à l’autoritarisme par le désir de protection et de conservation de soi-même.
On va aussi désigner autrui comme bouc émissaire. Pour éviter un tel scénario, il faut continuer de produire un désir vis-à-vis des institutions. »
Merci pour votre écoute