Sans aucune concertation, le ministère a lancé à raison d'1h30 par semaine en seconde un nouvel enseignement : Sciences Numériques et Technologies (SNT). Qu'en pense le Sgen-CFDT Bretagne ?
Le contenu citoyen de ce nouvel enseignement est intéressant et répond sans aucun doute à des problématiques sociétales actuelles auxquelles il est bon de faire réfléchir nos élèves. Mais il soulève dans sa mise en œuvre de nombreuses difficultés que le ministère n’a pas anticipées ou pas voulu anticiper, ce qui montre, s’il était besoin une fois de plus, à quel point cette réforme est bâclée.
Ces difficultés, les personnels les ont bien senties : si on avait en janvier quelques précisions sur une autre nouvelle discipline, NSI, les informations sont arrivées au compte-goutte pour SNT alors que cela concerne tous les élèves et qu’il faut donc trouver un nombre conséquent de collègues à mettre en face des élèves. Conséquence : les volontaires n’ont pas été très nombreux et le ministère s’est d’un seul coup souvenu des documentalistes et de leur légitimité à participer à cette « discipline »….
Listons quelques unes de ces difficultés
Matériel et moyens manquants
On pourrait rêver dans un monde idéal d’un cours en co-animation puisqu’il s’agit d’un cours transversal. Ou alors d’un cours avec 2 groupes et 3 profs. Ou d’un cours organisé en semestre avec intervenants qui changent avec des temps de co-animation. Evidemment, avec la faiblesse des marges horaires, surtout en 1ère et Terminale et les complexités d’emploi du temps, on risquera de déchanter sauf à avoir une forte volonté locale.
Même si le but prioritaire n’est pas une grande maîtrise d’outils techniques, il en faut un minimum pour permettre aussi de cerner les enjeux, ce qui pourrait supposer l’accès des élèves à du matériel…..ce qui en classe entière peut dans certains endroits ou dans certaines académies poser problème. En Bretagne par exemple, les lycéens ne reçoivent pas à leur entrée en 2nde une tablette comme dans d’autres académies où les régions sont plus riches. Le ministère estime donc qu’il faut fonctionner en BYOD avec les smartphones des élèves…
Temps de concertation non prévu
Un cours pluridisciplinaire implique un temps de concertation comme le préconise la note ministérielle envoyée aux recteurs en janvier. Encore faut-il donner ce temps aux équipes, ce qui suppose de prévoir des plages horaires communes pour que les collègues puissent se rencontrer, or, vu les nombreuses contraintes qui vont peser sur les emplois du temps l’an prochain, on peut craindre que ces créneaux ne soient pas au rdv. Encore faut-il aussi promouvoir la pluridisciplinarité en informant toutes les disciplines qui pouvaient être concernées par cet enseignement et pas seulement les collègues de maths ou de technologie.
Par ailleurs, ces temps de concertation amplifient le volume de travail qui sera déjà conséquent avec les nouveaux programmes à prendre en main.
Temps de formation insuffisant
En outre, le temps de formation proposé cette année (deux jours d’après les retours d’adhérents et/ou de militants), même s’il était de qualité, était fort court, d’autant qu’on aurait pu faire venir des équipes d’établissement pour entamer la nécessaire concertation. Malgré les demandes répétées du Sgen-CFDT Bretagne (d’abord en audience auprès du recteur puis lors du Comité Technique Académique de juin), le Plan Académique de Formation, dans sa partie évolution des programmes, vise avant tout à former les collègues pour les nouveautés de Terminale en estimant que les formations dispensées cette année pour la seconde et la première suffisent….. Seule formation rescapée (mais peut-être parce que l’appel aux documentalistes a été trop tardif ?) un volet « enseignement de SNT pour les professeurs documentalistes ». Aucune augmentation budgétaire du PAF n’a été prévue, tout se fait à moyen constant…..
De l’absence d’équité entre collègues et ou des lacunes démocratiques dans les prises de décision ….
Et d’autre part un problème majeur réside aussi dans la répartition « équitable » des services : faire SNT pourquoi pas, mais pas « que » SNT. Or certains profs volontaires voient se profiler le risque d’y être cantonnés avec un grand nombre de groupes ce qui les inquiète à juste titre. Quelque soit sa discipline d’origine, un service « satisfaisant » est un service qui combine des cours où la discipline est à « forte dose » (une spécialité par exemple) et pour des raisons diverses (appétence mais aussi équilibre et solidarité…) l’acceptation de cours avec de petites quotités horaires comme SNT, enseignement scientifique ou EMC par exemple. Dans toutes les équipes et depuis toujours cette notion de service équilibré est en tension, et tranchée par divers « biais » (le grade, l’ancienneté, le plus pénible, le dernier arrivé, la décision du chef….) mais il existe encore des équipes qui s’en saisissent pour justement trouver des équilibres, parfois sur plusieurs années (tu prends SNT cette année, ce sera moi l’an prochain…).
Enfin, comme la réforme attise les tensions, cet enseignement peut cristalliser les mécontentements et montrer les failles d’un fonctionnement collectif en manque d’une vraie démocratie : ici tel collègue menacé du sous-service a l’impression qu’on lui force la main pour s’engager, là des collègues d’une discipline refusent en bloc par posture idéologique de s’y engager, obligeant le pauvre malheureux collègue que cela intéresserait à suivre, au risque même parfois de faire des heures ailleurs…..