Avant le comité social académique du mardi 17 octobre 2023, Emmanuel Ethis, recteur de l'académie de Rennes, a proposé à toutes les organisations syndicales un temps d'échange suite à l'attentat d'Arras. En voici un aperçu.
Etat moral de nos collègues
Nous avons essayé au nom du Sgen-CFDT Bretagne de faire partager l’état d’esprit et le moral de nos collègues actuellement. La profession est très marquée. Nous percevons non seulement la sidération, la tristesse mais aussi un abattement voire une résignation qui sont très inquiétants. Par notre déclaration préalable, plus jamais ça, nous avons aussi indiqué la difficulté d’exercer : multiples pressions sociétales, enjeux politiques qui nous prennent en étau, injonctions paradoxales. Le dénigrement fréquent de la profession créé à long terme un effet délétère. La mise en place de la cellule d’écoute sur le week-end et prolongée sur la semaine était indispensable. Mais peut-elle suffire sur le long terme vu l’état de la profession ?
Reprise lundi : les collègues dans les écoles relégués et seul·es
Plusieurs syndicats – dont le nôtre – se sont insurgés contre la différence de traitement entre le 1er et le 2nd degré quant à la reprise difficile lundi matin.
Les collègues PE, ainsi que les AESH et les agents, dans les écoles, ont subi de façon très violente cette reprise (cf l’article Une pause sandwich indigeste ! ). Comment sans avoir pu en discuter avec ses collègues répondre à des questions d’enfant comme « Madame, est-ce que quelqu’un peut venir avec un poignard dans notre école ? » Peut-on seulement le faire alors qu’on a le droit d’être soi-même submergé·e par l’émotion ? Comment en même temps dès 8h mettre en œuvre les consignes de sécurité sans aucune directive et ayant passé le week-end à les chercher ?
Des écueils de la reprise dans un contexte d’absence de moyens sur la santé mentale des élèves comme des personnels
Les collègues ont ressenti un profond désarroi aussi pour l’accueil des élèves lundi. Les psy-EN comme les infirmier·es ont en charge trop d’établissements pour pouvoir les accompagner tous dans ces moments difficiles.
Globalement, comment traiter de questions complexes sur un temps banalisé aussi court – 2h et rien dans le 1d – sachant que par le passé lors de l’assassinat de Samuel Paty il n’y en avait eu aucun ? Comment avec des programmes très lourds proposer des réflexions de fond transversales avec pour seul cadre l’Education Morale et Civique en quinzaine ?
De l’acculturation au risque
Nous avons fait part de la difficulté à s’imprégner de la « culture du risque » – car la vigilance est de mise – sans créer d’ambiance anxiogène pour nos élèves (et nous mêmes…) et sans créer une école prison. L’école a besoin aussi d’être ouverte sur le monde et en lien avec les familles. Les personnels de vie scolaire sont des éducateurs et des éducatrices pas des membres des forces de l’ordre.
Nos organisations ont fait part également de difficultés concrètes pour les personnels administratifs : en l’absence d’agent·e d’accueil, les collègues vont se trouver interrompus très fréquemment pour accueillir des personnes de l’extérieur avec lesquelles nous travaillons. Quelle(s) formation(s) de ces collègues à la culture du risque ?
Au Sgen-CFDT Bretagne, nous demandons depuis longtemps un soutien à la communauté des monitrices/teurs de secourisme. Les nouvelles préconisations sur les sorties et voyages scolaires prévoient une formation obligatoire des accompagnatrices/teurs. Vu le contexte, il est urgent de former aux gestes de premiers secours le plus grand nombre de personnels dans les établissements scolaires. Comment le faire dans le contexte de cours à remplacer systématiquement ?
Réponses du Recteur
Quel travail de fond auprès des élèves ?
Le Recteur nous a indiqué qu’il avait choisi de se rendre lundi à la cité scolaire Emile Zola de Rennes, en présence de trois personnalités politiques. Il a échangé avec des collègues qui trouvaient le temps d’EMC, une fois par quinzaine, insuffisant. Il a indiqué « avoir fait remonter ». Les trois personnalités politiques (sénatrice, député, président de région) ont dû aussi affronter les questions importantes des élèves, y compris sur l’engagement. Beaucoup d’élèves demandent aux enseignant·es de prouver leurs propos, or les enseignant·es n’ont rien à prouver par rapport aux réseaux sociaux. Notre rôle n’est pas de prouver mais bien d’enseigner.
Sur la culture du risque
Nous devons craindre d’autres événements qui nous imposent la vigilance. Plus les exercices PPMS sont fréquents, plus ils sont efficaces.
Sur la réception émotionnelle de ce drame
Il y a eu beaucoup d’appels à la cellule d’écoute. Le recteur tient à remercier encore les profs et à nous assurer de son respect y compris dans notre rôle de représentants syndicaux. Il se rappelle bien du proviseur touché par balle à Grâce puisqu’il était en fonction là-bas. Ce personnel de direction ne pensait pas que l’arme de cet ancien élève était vraie. Il est pour nous difficile à concevoir qu’un ancien élève se retourne contre nous.
Nous avons fait une minute de silence en hommage à Dominique Bernard et aux trois personnes blessées.
Hommage à Frédérique Lalys
Nous avons respecté une minute de silence pour honorer la mémoire de cette camarade du Snes-FSU, militante sincère et syndicaliste compétente. Tout le monde a tenu à saluer cette représentant·e dévouée des personnels.
Nous avions eu la chance de partager des luttes communes au service de l’égalité femmes-hommes. Nous adressons encore une fois toutes nos condoléances à nos camarades du Snes ainsi qu’à ses proches.