Le mardi 12 novembre se tenait un CSA Académique portant essentiellement sur un bilan de l'école inclusive. Si nous saluons cette première, nous regrettons que l'approche centrée sur la seule compensation n'ait pas permis d'aborder les questions de formations, d'organisation de l'école...
Déclaration préalable du Sgen-CFDT Bretagne
L’inclusion : un objectif nécessaire…
À la CFDT nous sommes convaincu·es que l’école inclusive est bénéfique pour tous les élèves.
Ce n’est pas un sentiment. Des chercheur·es ont montré que la diversité des profils permet une éducation à la sensibilité et l’altérité. Elle rend tangible le principe d’éducabilité.
Aujourd’hui, les réussites sont nombreuses. Une partie du chemin a été parcouru. Il suffit de regarder 20 ans en arrière (nombre d’ULIS ouvertes, nombre d’AESH, nombre d’enfants accueillis en milieu ordinaire…).
… avec un bilan très insatisfaisant
Une fois rappelé notre attachement à ce projet pour l’école, nous ne pouvons qu’être très insatisfait·es de la situation actuelle dans les classes.
En l’état actuel du fonctionnement de l’école, de nombreux collègues sont en difficulté face à des situations qu’ils/elles ne peuvent pas traiter, trop seul·es, pas assez formé·es… Ils/elles finissent par se demander si tous les élèves ont leur place à l’école.
Nous voyons donc tout le chemin qui reste à accomplir. Et nous faisons l’analyse que le principal obstacle reste la forme scolaire actuelle. Si l’on a apporté des réponses, en termes de compensation, elles se font dans le cadre d’un modèle inchangé.
Inclusion et accessibilité
Pour avancer sur le chemin de l’école inclusive, il nous faut deux jambes. Celle de la compensation ET celle de l’accessibilité. L’accessibilité est travaillée lorsque ce n’est plus l’élève qui s’adapte à l’école et tous ses fonctionnements, mais que c’est l’environnement qui est repensé pour la rendre plus accessible.
Notre analyse, c’est que si l’on a bien musclé la jambe de la compensation, celle de l’accessibilité est aujourd’hui atrophiée.
De la nécessité d’un vrai bilan : RPS
Le bilan qui nous est proposé aujourd’hui n’est clairement pas celui que nous attendions !
Il fait certes un point chiffré (mais incomplet) concernant l’accompagnement. Mais il ne traite pas de ce que les personnels, les élèves et leurs familles vivent au quotidien dans les écoles et les établissements.
En Comité Social Académique nous sommes fondés à traiter des questions d’organisation du travail et de conditions de travail.
Au regard des constats posés régulièrement depuis des années en CHSCT puis en F3SCT nous attendons d’un bilan de l’école inclusive qu’il aborde ces questions et propose des réponses.
Comment peut-on faire un bilan de l’école inclusive sans aborder ce que cela fait à nos métiers ?
On accueille aujourd’hui de plus en plus d’élèves à besoins éducatifs particuliers, de plus en plus d’élèves éloignés de la norme scolaire et dans le même temps on nous demande de fabriquer de plus en plus de norme.
Cette injonction paradoxale nous l’avons souvent dit ici est délétère, elle génère de plus en plus de RPS chez nos collègues.
Il nous semble également indispensable dans un bilan d’aborder la question de la formation continue : l’enquête réalisée l’an dernier auprès des personnels du premier degré montrait une attente très forte des personnels pour une formation à l’accueil des enfants à besoins éducatifs particuliers (plus de 80%) alors que 6,6% des Professeur·es des écoles considèrent que les formations qui leur sont proposées ne correspondent pas à leur besoins.
Enfin si l’on doit dresser un bilan des politiques éducatives en faveur de l’inclusion du point de vue de l’accessibilité nous sommes aujourd’hui très loin du compte.
Injonction paradoxale : école normative et inclusion
L’accessibilité passe par le temps que l’on donne à l’élève pour apprendre et progresser en fonction de ses capacités, c’est sortir de la logique de programmes pour aller vers celle du curriculum.
Les nouveaux programmes de Cycle 1 et Cycle 2 avec leurs attendus annuels, les évaluations normatives annuelles, vont à l’encontre de cette logique d’accessibilité, ils vont accentuer le sentiment d’échec des élèves les plus fragiles.
L’accessibilité c’est une baisse des effectifs pour un climat de classe plus apaisé et une plus grande disponibilité de l’enseignant·e pour chacun·e. La baisse des effectifs aurait dû permettre d’améliorer les conditions d’accueil des élèves et les conditions de travail des personnels, les suppressions de postes massives dans le 1D vont à nouveau dégrader ces conditions.
L’accessibilité ce sont aussi des enseignant·es formé·es à l’accueil des élèves à besoins éducatifs particuliers, formés à la différenciation pédagogique. Aucune annonce, aucune inflexion dans les offres de formations ne sont aujourd’hui à la hauteur des attentes.
L’accessibilité ce sont des équipes pluridisciplinaires au service des élèves présentes dans les établissements. Là encore nous ne voyons rien venir…
Un bilan qui met de côté les chevilles ouvrières de la compensation : RPS maximaux pour les AESH
Nous avons salué l’augmentation du nombre d’ULIS et de places en ULIS. Cependant, en faisant le choix d’une inclusion ne reposant que sur la compensation, celle-ci repose essentiellement sur les AESH. C’est sans doute la raison pour laquelle les familles les réclament avec tant d’insistance.
Nous voulons par conséquent vous mettre solennellement en garde contre les énormes risques psycho-sociaux qu’engendrera inévitablement une amplification de la mutualisation pour nos collègues AESH si la question de l’accessibilité n’est pas traitée.
« Je ne suis pas Shiva »
Récemment, l’une d’elles a fait un malaise sur son lieu de travail en lien direct avec ce qu’elle vit. Elle nous a dit « je ne suis pas Shiva ». La polyvalence a ses limites. Nombreuses sont les demandes de l’institution !
- savoir accompagner un·e élève de la maternelle au supérieur,
- connaître donc toutes les problématiques liées à ces différents âges,
- connaître différents types de handicap mais aussi toutes les différents stades de la compensation,
- s’adapter à différents lieux et collectifs de travail, publics comme privés
- Prendre en charge parfois jusqu’à 7 voire 9 élèves dans une même classe.
Tout cela pour un SMIC et souvent moins quand le temps partiel est subi ?
Regardons la réalité en face. Vous nous dites avoir des difficultés à recruter des AESH et à les garder une fois recrutées.
Même si le ratio entre CDD et CDI s’est inversé, cela ne garanti pas une stabilité du corps.
Le turn-over reste important, comme en témoigne le nombre de demandes de ruptures conventionnelles et de démissions.
La polyvalence a non seulement ses limites mais on doit aussi la rétribuer à sa juste valeur. Il est plus que temps de faire de ce métier un métier à part entière. Il faut garantir à nos collègues un statut de catégorie B, des conditions de rémunération décentes, des conditions de travail qui ne soient pas anxiogènes et épuisantes et des formations à la hauteur des enjeux.
ALLONS PLUS LOIN |