Egalité femmes hommes : passer des intentions aux actes (CSA Académique)

Déclaration de la CFDT au Comité Social d'Administration de l'Académie de Rennes

Madame la rectrice, mesdames et messieurs les membres du CSA,

Tout d’abord nous tenons à remercier les services à la fois pour l’ampleur du travail mené et pour l’attention portée aux demandes formulées en GT.

Nous avons aujourd’hui deux points à l’ordre du jour : la présentation du Rapport Social Unique (RSU) et celle du plan égalité professionnelle.
Concernant ce second point, le présenter à quelques jours de l’Unequal Pay Day est particulièrement intéressant. Nous espérons que, pour une fois, les constats posés par le RSU serviront véritablement d’appui à la mise en œuvre de ce plan.

Un décalage persistant entre constats et décisions

Nous nous interrogeons en effet trop souvent sur les liens entre les constats et les décisions.

Il en est ainsi du Rapport Social Unique, après le Bilan Social Annuel, qui permet de constater par exemple que la majorité des accidents surviennent sur le lieu d’exercice professionnel, le plus souvent en lien avec les conditions d’emploi — lien que l’on retrouve également dans les fiches RSST qui, année après année, dressent le tableau de situations qui se dégradent.

Pourtant, vingt-quatre ans après l’obligation légale de mise en œuvre des DUERP, le bilan présenté sur ce point dans le document reste maigre.

Une feuille de route Ressources Humaines déconnectée

Nous avons, l’an dernier, rédigé une feuille de route RH. Où en sommes-nous de sa mise en œuvre ? Quel lien est fait entre les bilans établis dans le RSU et la réalisation de cette feuille de route ?
Quel lien entre le RSU et les RSST ? Comment ces outils sont-ils réellement mis au service de la prévention ?
Dans quelle mesure les constats établis influencent-ils effectivement les politiques RH de notre académie et, plus largement, du ministère ?

Nous pourrions prendre l’exemple de l’école inclusive, de la formation ou encore — et c’est un sujet central — celui des inégalités salariales entre les femmes et les hommes.

C’est entre autre sur ce dernier point que les chiffres du RSU appellent notre attention.

Des écarts de salaire persistants

Les chiffres issus du Rapport Social Unique  confirment ce que nous dénonçons depuis longtemps : les écarts salariaux persistent, voire  augmentent. Quelques exemples : une femme de filière administrative en catégorie A touche un salaire net moyen inférieur de 93€ à celui de son collègue homme. L’écart est de 89€ pour une CPE, 84€ pour une professeure des écoles, 87€ pour une certifiée, 113€ pour une PLP. L’écart a même augmenté pour un personnel d’encadrement. Il était en 2019 de 337€. Il est passé à 380€.

Quoi de neuf depuis les promotions genrées ?

PPCR a introduit en 2016 le principe de promotion genrée. Cela a été une étape décisive.

Quid des inégalités qui se sont produites avant et de leurs effets au moment de la retraite ? Des femmes ont bien dû subir des retards de promotion dans le passé pour qu’on arrive à ces écarts.

En effet, les temps partiels, sur lesquels nous reviendrons, n’expliquent pas tout.

Pourrons-nous parler un jour  de rattrapage de salaire ?

En outre, nous savons que la moindre source de revenu supplémentaire, heure sup, IMP, pacte, RIFSEEP – sans mécanisme de distribution genrée – peut créer une inégalité.

Quel véritable levier nous donnons-nous pour l’éviter ?

Traquer les sources d’inégalités, ne pas les créer

Il serait sage de se dire qu’en l’absence de mécanisme régulateur genré, on va limiter ces rétributions complémentaires. C’est précisément l’inverse que le ministère a choisi de faire, par exemple avec le pacte.

Il ne s’agit pas seulement de constater ces écarts salariaux mais aussi de ne pas les créer et de se donner de vrais leviers pour les limiter.

Nous lisons avec plaisir dans le plan que vous souhaitez analyser finement ces rémunérations supplémentaires qui creusent les écarts.

Ne pas masquer les inégalités entre catégories

Mais comment prétendre le faire sérieusement si on occulte le fait majeur d’iniquités, à savoir les inégalités entre le premier et le second degré ? Peut-on espérer comprendre ces mécanismes chez les enseignant·es si on ne fait pas référence aux corps à savoir profs des écoles, certifiés, agrégés, PLP sachant qu’ils n’accèdent pas de la même façon à ces rétributions complémentaires ?

Regarder la répartition des heures supplémentaires sans préciser le corps ne permettra pas une analyse valable. Les professeures des écoles sont à plus de 80% des femmes et elles n’ont quasiment aucun accès aux heures supplémentaires.

En outre, voilà plusieurs années que nous demandons à avoir un panel d’établissements du 2nd degré pour tester ces écarts, 5 établissements test, 3 gros lycées, un urbain, un rural, un lycée prof, deux ou trois collèges avec un nombre suffisant de personnels pour voir comment se jouent précisément le partage des responsabilités, des tâches entre les femmes et les hommes. Chaque année une écoute polie salue cette demande. Mais chaque année, nous la reformulons en vain.

Des leviers toujours insuffisants pour réduire les écarts

Finalement, depuis PPCR et l’apparition des bilans genrés en 2019, que s’est-il passé  ?

La mixité de nos métiers n’évolue quasiment pas. Les leviers d’action paraissent bien trop souvent symboliques. On fait des constats, année après année, on médiatise, on sensibilise.

Quels vrais leviers d’action nous donnons-nous ?

Plafond de verre

Le plan présente des mesures sur les écarts des hauts salaires. C’est bien vu. Nous notons cependant que nous n’avons plus les chiffres dont nous disposions pour les personnels de direction. La catégorie 5 la plus rémunératrice était la plus occupée par les hommes.  Par ailleurs, en ce qui concerne les directions d’école dans le premier degré, nous savons par des analyses nationales de la DEP que les hommes bénéficient majoritairement des plus grosses décharges. Or, nous n’avons toujours pas de bilan académique des décharges de direction d’école.

Mais en face du plafond de verre, il y a le plancher collant.

Sous-valorisation des métiers féminisés

Les métiers féminisés  restent parmi les plus sous-payés et sous-considérés de la fonction publique. Ce ne sont pas les individus qu’il faut remettre en cause, mais bien les grilles de rémunération et la reconnaissance des qualifications. Combien d’adjointes administratives (90 % de femmes) ont des fonctions relevant à minima de la catégorie B et ne sont pour autant pas reconnues financièrement ?
Chez les enseignants les Professeures des écoles (ces « petites institutrices bornées » comme les décrit un nouvel académicien) sont bien moins rémunérées que leur collègues certifiés bien qu’évoluant sur les mêmes grilles. Il y a en effet 506€  d’écart !

Le cas des AESH : une précarité structurelle

Enfin l’exemple des AESH est le plus emblématique : toujours sans véritable statut, ni salaire décent, malgré leur rôle essentiel dans l’inclusion scolaire. La grille de salaire des AESH doit régulièrement être revue pour ne pas tomber sous la barre du SMIC. Si on compte la différence de salaire entre un début et une fin de carrière, on se dit que personne n’a dû raisonnablement envisager qu’une personne fasse durant 30 ans ce métier.

Tant que ces emplois, majoritairement féminins, resteront précaires, l’égalité restera une illusion.

Temps partiel

Revenons sur la question du temps de travail source d’inégalités.

Pour revenir sur la précarité des AESH, les contrats de 24h restent la pierre d’achoppement. Cela ne permet pas de vivre décemment de son travail. Il est subi dans la très grande majorité des cas. Dès qu’on le peut, même pour un an, il faudrait augmenter les quotités au lieu d’augmenter les mutualisations.

Comment ne pas penser que cet héritage, du statut d’EVS à celui d’AVS puis à celui d’AESH, ne démontre pas une caricature de métier féminin d’appoint ?

Il y a des femmes qui aspirent à travailler plus, d’autres qui ont besoin de travailler moins, que ce soit pour élever leurs enfants ou s’occuper de leurs parents vieillissants.

Travailler moins pour les autres et en payer le prix

« Faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes, dans et hors l’entreprise, passe nécessaire par un plus grand partage de la parentalité, affirme  Béatrice Lestic, secrétaire nationale de la CFDT Il n’y a aucun doute là-dessus. C’est un sujet très documenté. Les inégalités salariales et de carrières se creusent avec l’arrivée des enfants. Par ailleurs, cela répond aux nouvelles attentes des pères et c’est également positif du point de vue de l’enfant. »

C’est pourquoi la CFDT plaide  pour la création d’un congé parental de six mois pour la mère et de six mois pour le père (huit mois si un seul des parents le prend) indemnisé à hauteur du congé maternité ou paternité. Les personnes qui souhaiteraient aller au-delà des six mois continueraient de bénéficier des conditions actuelles du congé parental. Ce nouveau droit doit s’ajouter au droit existant. La CFDT revendique en outre un congé paternité de deux mois (contre vingt-huit jours actuellement).</p>

L’avenir nous dira si le vote tout récent en faveur d’un congé de naissance permettant aux parents de prendre jusqu’à deux mois supplémentaires  ira dans le sens de plus d’égalité.

Mais la France reste quand même bien loin du modèle de la Suède où les employeurs ne peuvent pas refuser un 80% pour s’occuper des enfants.

L’accès au temps partiel demeure inéquitable.

Dans les faits, les professeurs des écoles se voient régulièrement refuser cette possibilité. 

Conciliation vie professionnelle / vie personnelle : un plan sans levier réel

Le plan égalité évoque la conciliation des temps de vie, mais sans  levier concret.
La bonification pour les parents isolés lors des affectations, qui constituait un soutien essentiel, a quasiment disparu. Ce sont encore les femmes qui en subissent les conséquences, puisqu’elles sont le plus souvent cheffes de famille monoparentale.

Quant aux agents aidants, les dispositifs restent symboliques : la seule réponse institutionnelle se résume à un éventuel temps partiel – et encore uniquement pour les collègues du 2nd degré – , sans véritable accompagnement ni prise en compte dans les lignes directrices de gestion sur la mobilité.

Beaucoup d’objectifs symboliques…très peu de véritable levier

Globalement, il faudrait arrêter de présenter la situation comme relevant de l’absence d’ambition des femmes ou de réseautage insuffisant pour améliorer leur progression de carrière, même si cela joue. Il faudrait interroger enfin les conditions de travail qui font qu’à un certain stade de responsabilité, la parentalité devrait être sacrifiée, qu’il s’agisse de celle des hommes comme celle des femmes. Ne vaudrait-il pas mieux changer le rapport au travail et les conditions de travail ?

Le plan égalité reste trop souvent au stade des intentions : aucun objectif chiffré en matière de résorption des écarts de salaire, une évaluation des progrès lacunaire (peu de données  permettant de suivre les évolutions), trop peu de mesures correctives concrètes.

Merci de votre écoute.

ALLONS PLUS LOIN : LA PARENTALITE

En France 

  • Le congé maternité actuel est de 16 semaines pour les femmes,
  • Le congé  pour le père ou le deuxième parent est de 28 jours. 3 jours de congé de naissance, 25 jours de congé paternité (32 pour des jumeaux), à prendre en totalité, en partie…ou pas du tout. C’est un droit, pas une obligation.

  •  le congé parental n’est pas rémunéré par le salaire. Il donne droit à l’allocation PreParE (ex-CLCA) versée par la CAF d’un montant de 432,67 € en 2024

  • Les pères ou les deuxièmes parents recourent majoritairement à une partie du congé paternité (67% d’entre eux). Mais moins de 1 % des pères prennent un congé parental à temps plein après la naissance d’un enfant.(comparatif 2021)

  • le temps partiel est de droit jusqu’aux 3 ans de l’enfant; au-delà l’employeur peut refuser un 80% pour s’occuper de son enfant. Dans le 2nd degré cela ne pose pas de problème, dans le 1er degré les refus sont nombreux.

    En Suède

  • Le congé parental dure … 16 mois ! (480 jours) dont 3 mois (90 jours) non transférables (chacun des deux parents ne peut pas le donner à l’autre) – les mois restants (390 jours) pouvant être répartis au choix des parents. Il s’étend jusqu’aux…8 ans de l’enfant !
  • le montant d’indemnisation est de 80% du revenu, il descend à un montant forfaitaire sur les trois derniers mois
  • Depuis 2024 (réforme), il est possible de transférer une partie du congé (jusqu’à 90 jours) à d’autres personnes que les parents — par exemple des grands-parents ou des proches (sous certaines conditions, notamment qu’ils ne travaillent pas ou ne touchent pas le chômage)
  • Même si les femmes continuent de prendre en majorité des congés plus longs que les pères ou le deuxième parent, il y a beaucoup plus d’hommes suédois à prendre un congé parental qu’en France (environ 22% des jours de congé indemnisés pris par les pères)

✅ Un « nouveau congé de naissance » en France ?

  • Le gouvernement français propose un nouveau “congé de naissance” (en plus du congé maternité, paternité, et du congé parental actuel).

  • Ce congé concernerait chaque parent : chacun pourrait bénéficier d’un ou deux mois, cumulables ou alternés, pour l’arrivée de l’enfant.

  • L’indemnisation envisagée pour ce congé serait de 70 % du salaire net le premier mois, puis 60 % le second mois.</strong>

  • Le congé s’ajouterait aux droits existants (maternité/paternité), sans remplacer le congé parental existant.

⚠️ Ce qu’il en est — statut actuel : en projet / à voter

  • Le projet figure dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2026). Weka+2Brut.+2

  • L’idée a été votée en commission et dans certaines instances parlementaires récentes. Mais les modalités exactes restent soumises à un décret . Public Sénat+2L&E Global+2

  • La date d’entrée en vigueur envisagée est début 2026 voire 2027. Public Sénat+2Brut.+2

  • Ce congé n’existe pas encore en droit. C’est un projet voté / en voie de l’être, soumis aux débats finaux, aux textes réglementaires…