Bilan CDEN 2025 dans les Côtes-d’Armor : baisse des effectifs, tensions sur les moyens et défis de l’inclusion

La réunion du 20 novembre dresse un tableau préoccupant : baisse des effectifs, recul de la scolarisation précoce, tensions sur les moyens et difficultés croissantes pour garantir une école réellement inclusive.

1. Contexte général

Le Conseil Départemental de l’Education Nationale (CDEN*) de novembre 2025 s’est tenu dans un contexte marqué par la baisse continue des effectifs, les difficultés de remplacement, l’inclusion fragilisée, la montée des violences et une inquiétude globale quant à la qualité du service public d’éducation. Les organisations syndicales ont rappelé les tensions structurelles, tandis que les services académiques ont tenté d’exposer leurs priorités et contraintes.

  1. Premier degré : démographie, organisation, tensions sur les moyens

2.1 Baisse des effectifs : un phénomène massif et durable

La baisse des effectifs se confirme en 2025 :

– premier degré public : –854 élèves

– premier degré privé : –369 élèves

– recul particulièrement marqué en maternelle, surtout chez les très petites sections (TPS).

Taux de scolarisation des moins de 3 ans (TPS)

Les données montrent une baisse continue de la scolarisation précoce :

– Public : 13,3 % en 2021 → 9,4 % en 2025

– Privé : 8,9 % en 2021 → 7,5 % en 2025

Cette diminution interroge fortement l’accès à l’école des familles les plus fragiles, d’autant qu’aucune augmentation équivalente de places en crèche ne s’observe dans le département.

2.2. Réponses du directeur académique / effets de la concurrence

Le directeur académique apporte plusieurs éléments d’explication :

– tendance démographique lourde (plus de décès que de naissances) ;

– non‑obligation de la scolarisation avant 3 ans ;

– limite de l’accueil des TPS lorsque les classes sont déjà à 25 élèves ;

– priorité aux territoires les plus fragiles (Éducation prioritaire, QPV) ;

Selon  lui, il vaut mieux renforcer les liens écoles–PMI–crèches plutôt que d’accueillir des tout-petits dans de mauvaises conditions. Il encourage d’ailleurs les directeurices d’école à refuser l’accueil en ce cas.

La concurrence public/privé : un facteur à ne pas ignorer

Cependant, dans plusieurs territoires, refuser des TPS peut entraîner une perte durable d’élèves au profit du privé, ce qui fragilise encore davantage le public. Cette pression concurrentielle influence les arbitrages locaux et devrait, selon la CFDT, être prise en compte dans les analyses académiques. Notre graphique, réalisé à partir des données départementales, illustre clairement cette dynamique.

2.3 Moyens et priorités annoncées

Le Dasen met en avant :

  • La priorité au remplacement, avec 6 postes créés en deux ans.

  • Des renforts ciblés (directions atypiques,  quartiers politiques de la ville, Dispositif Auto Régulation…).

La CFDT rappelle :

  • Le déficit chronique de remplaçant·es : les collègues accueillent encore fréquemment les élèves des absent·es sur des absences anticipées, au détriment de leurs conditions de travail.

  • L’absence de visibilité budgétaire : aucun cadrage pluriannuel, pas même une estimation des suppressions de postes attendues.

2.4 Directions d’école et fonctionnement

La situation des directions d’école reste un point de tension majeur. L’administration met en avant l’existence de renforts annuels dans certains établissements aux configurations atypiques — par exemple une direction du Ménée qui doit gérer vingt-trois classes réparties sur quatre sites. Ces aides, limitées et non pérennes, ne compensent ni l’ampleur des tâches, ni les responsabilités croissantes portées par les équipes.

La CFDT rappelle que les directions d’école ne disposent toujours pas d’un véritable statut, ce qui entraîne une insécurité fonctionnelle permanente, une surcharge administrative et une organisation du travail souvent intenable. La direction académique reconnaît des besoins mais ne propose aucune perspective structurelle : pas de calendrier, pas de cadrage, pas de moyens dédiés pour les 348 écoles du département.

La CFDT a également reposé la question de la dimension genrée de la direction d’école, déjà signalée dans les échanges préparatoires : ce sont très majoritairement des femmes qui assument ces missions, souvent sans reconnaissance claire, sans soutien institutionnel stable et avec une charge mentale aggravée par l’absence de moyens pérennes. Aucune réponse n’a été apportée par l’administration, malgré la pertinence du sujet et son impact sur l’égalité professionnelle.

Les renforts annoncés — limités à quelques situations exceptionnelles ou projets spécifiques — ne suffisent pas à garantir des conditions de travail acceptables, ni à sécuriser le fonctionnement quotidien des écoles.

2.5 Inclusion et violences

  • Le CDEN a longuement abordé la montée des violences dès le plus jeune âge, les violences intrafamiliales, l’augmentation des enfants en danger (+12 % depuis 2021).

  • L’absence d’AESH ou la mutualisation accrue génèrent déscolarisation, tensions et violence.

  • L’externalisation (taxis, accompagnements…) coûte cher : la CFDT interroge le sens de ces dépenses au lieu de renforcer l’inclusion dans l’école.


3. Second degré : démographie, attractivité et ségrégation scolaire

3.1 Effondrement démographique dans certains territoires

Entre 2021 et 2025 :

  • Saint-Brieuc : -546 élèves (plus de la moitié de la baisse départementale).

  • Lamballe : -151

  • Plouha : -119

  • Pleumeur-Bodou : -51

À l’inverse, quelques hausses locales (Matignon, Rostrenen…).

3.2 Public / privé : une stabilité trompeuse, un manque d’équité dans le type d’accueil 

Bien que la part d’élèves scolarisés dans l’enseignement public reste globalement stable autour de 65 %, l’analyse ne peut se limiter à cet indicateur : ce n’est plus seulement la répartition entre les deux réseaux qui évolue, mais leur composition sociale. La CFDT rappelle les travaux du sociologue Youssef Souidi, auteur de La sécession scolaire, qui met en évidence l’augmentation de la ségrégation entre établissements — y compris dans les villes moyennes, souvent considérées à tort comme préservées. Lors de la conférence qu’il a donnée pour notre organisation, ses analyses ont montré comment ces territoires, du fait de leur taille, offrent moins de possibilités de sectorisation fine, ce qui accentue les effets de contournement scolaire et renforce les écarts entre établissements.

3.2.bis L’exemple de Guingamp : : une concurrence de proximité structurante

On peut se réjouir que les travaux du nouveau collège Jacques-Prévert aient entraîné une augmentation très significative des effectifs en 6ᵉ et, plus largement, une progression nette du nombre d’élèves accueillis. Les chiffres du document départemental confirment cette dynamique : Prévert passe de 418 élèves en 2024 à 465 en 2025, soit +47 élèves en un an, et +32 élèves par rapport à 2021. Cette remontée témoigne de l’effet positif que peut avoir la rénovation d’un établissement sur l’attractivité du réseau public.

Lorsque le privé se situe « à deux rues » du public, comme c’est le cas à Guingamp, chaque évolution d’image, de confort ou de réputation produit immédiatement des flux d’élèves. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les tensions rappelées par la CFDT : malgré un établissement rénové et qui retrouve des couleurs, les efforts en matière de partage de l’accueil des publics à besoins particuliers restent très inégaux entre réseaux. Le public continue d’assumer la plus grande partie des élèves à besoins éducatifs particuliers, tandis que le privé accueille des publics socialement plus homogènes.

3.2 ter – Un manque d’équité public/privé dans l’accueil des publics (ULIS et SEGPA)

La question des publics particuliers se confirme clairement dans les chiffres départementaux.

Les dispositifs spécifiques du second degré — ULIS et SEGPA — reposent presque entièrement sur l’enseignement public.

En 2025, 64,98 % des élèves scolarisés en collèges et ULIS relèvent du public, tandis que le privé n’en accueille qu’environ un tiers. L’écart est encore plus marqué pour les dispositifs adaptés : 84,83 % des élèves de SEGPA sont scolarisés dans le public, contre seulement 15,17 % dans le privé.

La CFDT demande de l’équité dans l’accueil des publics. En effet, la répartition des dispositifs particuliers devient caricaturale par endroits. Au privé les section sport attractives, au public l’accueil des publics particuliers qui peuvent effrayer des familles !

3.3 Conditions d’accueil et projets éducatifs

  • Le Département réaffirme son soutien financier (ex. : prise en charge du  transport des sorties à 70 % pour les sorties à l’intérieur du département).

  • Mais les établissements manquent de marge : fonds de réserve en baisse, incertitudes sur le Pass Culture, et surtout absence de financement de la part « accompagnateurs » pour les voyages scolaires.

3.4 Classe-relais et organisation spatiale

  • La classe-relais* de Guingamp  a lieu depuis des années hors les murs. Mais cette année l’établissement a été sommé de payer une facture conséquente de loyer. Le CD22 confirme le soutien logistique global au fonctionnement de la classe relais avec prise en charge du loyer (à hauteur de 2000€ sur 4 à 5000€)

  • Le CD22 indique que les nouveaux établissements permettent grâce aux programmes types d’accueillir tous les élèves et tous les dispositifs dans de bonnes conditions.
  • la CFDT alerte sur la rigidité des « programmes types » d’établissement, qui ne permettent pas des modularités pédagogiques adaptées aux publics fragiles. Il faut par exemple un bureau pour des entretiens que ce soit en ULIS ou en classe relais. Plus globalement nous devrions dépasser la configuration une classe/une salle de classe pour aller vers de lieux à géométrie variable. Il faut pouvoir changer de taille de groupe souplement en fonction des besoins et donc changer la taille des espaces.


4. Lycées : reprise du privé, inquiétudes en LP

4.1 LGT

  • Public : -60 élèves.

  • Privé : +288 élèves.
    Progression marquée du privé, inquiétante pour l’équilibre des réseaux.

4.2 LP

  • Public : -198 élèves.

  • Privé : +16.
    → Problème d’attractivité, alors que c’est un secteur déjà fragilisé.

4.3 Indicateurs

  • LGT public : 63,2 % → 64 %.

  • LP public : 72,6 %.
    Ces chiffres masquent des pertes d’effectifs importantes.


5. Brevet des collèges (DNB) et Affelnet : un système de plus en plus opaque et inéquitable

La préparation de la réunion met en lumière plusieurs évolutions inquiétantes concernant le brevet des collèges (DNB) et l’outil national d’affectation au lycée, Affelnet (Affection des Élèves par le Net).

Tout d’abord, le calendrier est incohérent : les résultats du brevet tombent début juillet, alors que les affectations au lycée sont publiées fin juin. Le brevet ne peut donc jouer aucun rôle réel dans l’orientation, malgré les annonces politiques faites ces derniers mois.

Exit les compétences, bonjour les notes discriminantes

À cela s’ajoute une évolution encore plus problématique : la disparition des compétences du Livret Scolaire Unique au profit de simples moyennes chiffrées. Les dossiers des élèves seront désormais classés essentiellement sur leurs résultats numériques, sans prendre en compte les compétences transversales ni les progrès réalisés.

La voie pro pénalisée par les notes

Cette évolution touche de façon disproportionnée les élèves qui se dirigent vers la voie professionnelle, et plus encore celles et ceux qui souhaitent accéder aux formations les plus sélectives de cette voie, car l’entrée y repose sur un système de points. Toute variation de moyenne peut entraîner un refus d’affectation, même lorsque le projet professionnel est cohérent et construit.

Comment évaluer les élèves à besoin éducatif particulier pour le brevet ?

La situation est encore plus préoccupante pour les élèves en inclusion, pour lesquels les équipes pédagogiques ne parviennent pas toujours à établir des notes chiffrées adaptées. Jusqu’ici, les compétences du livret scolaire permettaient de valoriser d’autres formes de réussite. Désormais, l’absence de notes sera automatiquement convertie en “0”, ce qui pénalisera très fortement ces élèves au moment de l’affectation et accentuera leur vulnérabilité dans le système.

Enfin, il est question d’une éventuelle bonification du projet d’orientation via la plateforme Avenir(s), mais les modalités restent floues et aucun cadrage précis n’a été présenté. Dans ces conditions, la CFDT demande de la transparence et alerte sur un système qui, loin de réduire les inégalités, risque au contraire d’amplifier les écarts sociaux et scolaires, en particulier pour les élèves en difficulté, en situation de handicap ou engagés dans la voie professionnelle.

La préparation du CDEN met en évidence :

  • L’incohérence du calendrier (résultats du DNB après les affectations).

  • La disparition des compétences du LSU, réduisant l’affectation à de simples moyennes brutes.

  • L’éventualité d’une bonification via Avenir(s), encore floue. L’IEN Orientation ne l’a pas confirmée.

La CFDT demande de la transparence et alerte sur un système qui risque d’accentuer les inégalités.


6. Santé mentale, médecine scolaire et sécurité

  • Nomination d’un conseiller technique santé mentale au rectorat.

  • Le Dasen affirme que le manque de médecins scolaires relève d’une absence de candidat·es, non d’un choix budgétaire.

  • Renforcement du réseau ISCG (intervention sociale en gendarmerie/commissariat).

  • Augmentation massive des budgets départementaux pour la protection de l’enfance (+60 %).


7. Synthèse stratégique CFDT

Points de vigilance

  • Baisse démographique massive et continue.

  • Manque de moyens pour le remplacement et l’inclusion.

  • Renforcement de la ségrégation entre réseaux public / privé.

  • Attractivité en chute du LP public.

  • Insuffisance des données transmises par la direction académique.

  • Conditions de travail dégradées (violences, gestion des élèves sans AESH, directions surchargées).

Points positifs

  • Amélioration du P/E et des tailles de classe.

  • Soutien financier du Département pour l’action pédagogique.

  • Quelques dynamiques locales d’établissements.


Conclusion

La CFDT rappelle que la baisse démographique ne peut justifier toutes les restrictions. Le service public d’éducation doit rester accessible, équitable et transparent, ce qui suppose :

  • une vision pluriannuelle des moyens,

  • une politique d’inclusion ambitieuse et financée,

  • un dialogue social fondé sur des données complètes,

  • des choix éducatifs cohérents avec les enjeux territoriaux.

POUR ALLER PLUS LOIN

  • Le CDEN est une instance officielle de dialogue et de consultation où siègent la direction académique, le préfet, le vice-président du conseil départemental, des élu·es locaux, des représentants de parents d’élèves et les organisations syndicales. Il examine la carte scolaire, les conditions d’accueil des élèves et les politiques éducatives menées dans le département.
  • Une classe relais accueille temporairement des collégiens en grande difficulté scolaire ou comportementale afin de les aider à retrouver un cadre, un suivi éducatif renforcé et un projet de retour dans leur établissement d’origine. C’est un dispositif de prévention du décrochage scolaire. Pour des élèves « en refus d’école », se retrouver hors d’un établissement scolaire peut être facilitant.
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