Carte scolaire ou comment décider où vont les élèves quand il y en a de moins en moins

Le 23 novembre a eu lieu le conseil départemental de l'Education nationale. Voici la déclaration liminaire lue en séance.

Ce CDEN va faire le bilan de cette rentrée et examiner un projet de re sectorisation autour de Corlay et Saint-Nicolas du Pelem aboutissant à la fermeture du collège de Corlay.

Nous ne redirons pas ce que nous avons dit ailleurs, que ce soit en CSA A ou en CSA SD, sur une rentrée que l’administration pourrait juger techniquement réussie par rapport à d’autres mais dont nous cernons bien les lacunes.

Dialogue social ou chambre d’enregistrement ?

Nous allons nous attacher à la question de la re sectorisation, non pas pour dire ce que nous pensons du projet présenté ici – nous le dirons en séance – mais bien pour proposer une réflexion de méthode sur le dialogue social ainsi que sur la prospective dans l’Education nationale.

Quel rôle pouvons-nous jouer ici ? Celui d’une chambre d’enregistrement ? Celui d’une opposition frontale et systématique ?

La grande question au fond est bien celle-ci : que pouvons-nous réellement décider et réellement proposer ? Avons-nous seulement toutes les informations pour pouvoir nous prononcer de façon éclairée ?

A la CFDT nous souhaitons un véritable dialogue social, celui qui ne consiste pas juste à écouter certaines informations et d’être dans la réaction.

Baisse démographique et opportunité pédagogique

Nous avons devant nous, en Bretagne et plus particulièrement dans les Côtes d’Armor, le défi de la démographie à relever. Les naissances ralentissent. Nous manquons d’éléments de projection sur des arrivées externes de population. Mais nous savons que des écoles, des collèges, des lycées vont perdre des élèves.

On pourrait utiliser cette réalité démographique comme l’opportunité d’ajuster les effectifs aux besoins pédagogiques en évolution voire en mutation.

L’institution elle-même, lorsqu’elle exige au 1er degré des effectifs limités à 24 élèves de la GS au CE1, qu’elle met en place des CP et CE1 dédoublés ou bien encore qu’elle « organise » des heures de soutien et approfondissement dans les collèges pour constituer des petits groupes de travail, reconnaît que des effectifs limités sont un levier pédagogique.
Ils le sont dans le cadre de ces dispositifs en particulier mais ils le sont aussi dans les classes en général au quotidien.

Des effectifs limités sont également des moyens pour assumer le principe de l’inclusion et les ambitions institutionnelles d’excellence et de bienveillance.

Des établissements à taille humaine peuvent permettre une meilleure circulation de l’information, plus d’initiatives des équipes et une connaissance plus poussée  des élèves.

Taille d’établissement pour les élèves et gestion des ressources humaines

Une fois cette opportunité posée, nous devrions tout de même échanger sur la question de la taille minimale acceptable ainsi que de la taille idéale pour un établissement, aussi bien du point de vue des comptes publics que du bien-être des personnels comme de la réussite des élèves. Car il est également juste que tous les élèves puissent accéder à une offre pédagogique riche, qu’ils vivent en centre ville ou en campagne, et qu’ils fassent la connaissance d’élèves qui ne sont pas avec eux depuis la maternelle.

Côté personnels, à la CFDT nous pointons souvent du doigt la difficulté d’exercice pour les collègues en service partagé. C’est une surcharge mentale, c’est un surcroît de travail. Les PEGC autrefois permettaient bien des souplesses d’organisation qui n’existent plus aujourd’hui. Sur certains territoires ruraux, pour stabiliser les équipes, les personnels devraient pouvoir choisir entre rester sur une seule valence quitte à se déplacer ou se former à une autre valence et rester sur un seul établissement. Dans un système où les personnels auraient confiance en leur administration, on pourrait  concevoir un libre choix sans pression.

Perte d’emploi, perte de poste ou anticipation et dialogue social

Actuellement, les moyens alloués annuellement ne permettent que très peu d’anticipation, ce qui a pour conséquence de confronter, parfois très brutalement, des collègues à la suppression de leur poste. Pour des contractuel·les, cela a été le cas en technologie, cela peut signifier le chômage ou pour l’éviter de gros déplacements.

Pour les titulaires faire des trajets plus longs est également plus fatigant.  Que les collègues aient la perspective d’une mesure de carte, à force qu’on leur répète qu’il y a de moins en moins d’élèves, sans avoir de visibilité sur la suite est très délétère. Dans le privé, cela s’appelle une menace de plan social. Dans le public, ça n’a pas de nom comme si cet objet n’existait pas.

Ne pourrait-on pas essayer d’anticiper, d’avoir un peu de visibilité sur les postes à quelques années au moins ?

Sortir des émotions à vif, tenir plusieurs bouts

Il n’y a pas que sur les personnels que des annonces ont des effets délétères. Elles provoquent la fuite de certaines familles dans le privé, dans un contexte très concurrentiel. Elles suscitent les angoisses des maires de petites communes qui ont peur de perdre la vitalité de leur territoire.

Face à cette réalité démographique, devons-nous nous contenter de partager les chiffres des prévisions de l’INSEE ?  Regarder les taux d’occupation de certains bâtiments, mais pas de tous ? Devons-nous nous contenter de lire dans la presse le résumé du rapport de la chambre régionale des comptes puis aller le lire chacun dans notre coin sans en partager l’analyse critique  ?

Ne pourrait-on pas faire un peu de prospective pour sortir des émotions à vif ?

Des instances rigides

Ne pourrions-nous pas également trouver d’autres modes d’échanges, plus souples, moins formels ? Des groupes de travail par exemple qui s’autorisent à inviter d’autres partenaires et à proposer des solutions plus innovantes ?

Nous allons nous prononcer ce soir sur une ventilation d’élèves au collège. Quand et avec qui évoquons-nous la question pourtant importante de la poursuite d’études en lycée ? Alors que le privé dans ce secteur répond à cette problématique…. Ainsi, à aucun moment nous n’aurons pu dialoguer avec la région à ce sujet. Il y a bien d’autres informations détenues par d’autres actrices locales et acteurs locaux qui permettent d’avoir des perspectives sur la vitalité d’un territoire.

Lors d’échanges plus souples, nous pourrions  concevoir d’autres modes d’organisation. Dans le 1er degré, les RPI, malgré leurs limites, présentent un intérêt. Pourquoi ne pas envisager de petites cités scolaires, collège/lycée  sur certaines zones ? Il y a eu sur Paris et Toulouse des expériences de mixité sociale permettant par exemple un parcours de collégien en 6ème-5ème dans un établissement et la 4ème-3ème dans un autre. Pourquoi ne pas imaginer des dispositifs de ce type sur des populations rurales ou côtières afin d’inciter doucement à un peu plus de mobilité ou favoriser des mixités sociales ?

A la CFDT nous croyons en la force du collectif.

Echanger ainsi, en mettant dans la boucle, les principaux concernés, membres de la communauté éducative, permettrait non seulement de gagner en sérénité mais également d’être plus inventif.

Synthèse de la chambre régionale des comptes sur les collèges publics bretons