Ce premier bilan présenté par le rectorat lors du CSA du 12 novembre aborde la dimension "compensation" sans évoquer l'accessibilité. Bâtir une école pour toutes et tous demandera un peu plus d'ambition, de volonté pour changer totalement de paradigme.
Nous nous réjouissons de la mise à l’ordre du jour de ce premier bilan de l’école inclusive dans l’Académie. Si nous avons fait part dans notre déclaration liminaire de notre déception nous prenons acte cependant de la volonté de l’Académie de mettre le sujet sur la table.
Il aura donc fallu attendre 19 ans pour qu’un premier bilan soit fait en CSA Académique (pour rappel la loi handicap date de 2005), les responsables académiques en poste aujourd’hui ne sont évidemment pas en cause, mais on peut s’interroger sur les raisons d’un tel délai.
Compenser c’est bien…mais pas suffisant
Le bilan proposé lors de ce CSA fait un tour d’horizon des moyens mis en œuvre pour apporter une aide humaine auprès des élèves en situation de handicap. Il apporte également des éléments sur le nombre d’élèves porteurs de handicap scolarisés et sur leurs parcours scolaires.
Nous regrettons cependant des données trop vagues et trop partielles pour faire un état des lieux complet.
une scolarisation en forte progression des élèves en situation de handicap…
La scolarisation en milieu ordinaire des élèves en situation de handicap progresse, même si on note un ralentissement depuis 2017. Mais si l’on voit une progression en nombre d’élèves concernés nous n’avons pas d’éléments sur le temps de scolarisation qui demeure pour de nombreux élèves et leurs familles une réelle problématique.
Combien d’entre eux ont accès à l’école à temps plein ?
Selon l’UNAPEI 28% n’ont que 0 à 6h de scolarisation, 22% n’ont que 6 à 12h de scolarisation, et seulement 27% ont plus de 12h de scolarisation et 23% demeurent exclus totalement de la scolarisation.
La CFDT demandera au rectorat des précisions sur le temps de scolarisation des 20 000 élèves concernés en Bretagne.
Des disparités territoriales
Si l’inclusion progresse en Bretagne nous notons qu’elle progresse moins qu’au niveau national (6,9% contre 8,2) et que cela est très variable selon les départements. Nous notons par ailleurs que la part des élèves en situation de handicap scolarisés est légèrement plus faible en Bretagne qu’au niveau national, seul le Finistère se distingue par un taux d’inclusion supérieur à la moyenne nationale. Ce dernier point justifie peut être (nous y reviendrons) le plus faible taux de mutualisation des aides humaines dans ce département.
Continuité des parcours…
Si l’on peut se féliciter de voir que la scolarité des élèves inclus se poursuit dans le secondaire, nous aurions aimé avoir une information plus précise sur la continuité de ces parcours.
Combien d’élèves en situation de handicap poursuivent en voie générale ? Combien sont orientés vers la voie professionnelle ?
Comment le collège puis le lycée s’adaptent-ils à la scolarisation des élèves en situation de handicap ?
Là encore la CFDT demandera des précisions.
De nombreux élèves en attente d’accompagnement
Comme le montre la carte ci-dessous, la situation Bretonne n’est pas bonne même si elle n’est pas la plus critique, pour autant le nombre d’élèves en attente d’accompagnement est particulièrement élevé dans notre académie.
Ils sont 1971 à cette rentrée (12%), ils étaient 1484 à la rentrée dernière (10%).
Une volonté (contestable) d’aller vers plus de mutualisation
La cible nationale c’est 7 élèves pour 1 ETP AESH. En Bretagne nous ne sommes clairement pas dans la cible.
Mais pour la CFDT on ne peut se contenter d’une approche comptable et quantitative.
Si l’accompagnement est trop mutualisé on aboutira à un saupoudrage, avec dans le 2nd degré, des disciplines où l’enseignant·e se retrouvera systématiquement seul·e face aux handicaps. Au-delà de l’accompagnement de l’élève il faut également penser aux conditions de travail des AESH. La polyvalence a ses limites ! Comment rendre plus attractive la profession si l’on en dégrade les conditions d’exercice ?
Ouvertures d’ULIS, on progresse
Avec 18 ULIS en plus cette année, l’académie est aujourd’hui dotée de 200 ULIS dans le premier degré et 218 dans le second degré pour l’enseignement public. C’est un progrès mais qui la encore demanderait un complément d’information quant à sa mise en œuvre.
Il y a en Bretagne plus de 1400 écoles et 348 établissements du 2d degré public, la dispersion des écoles ne permet pas un accès aux dispositifs ULIS sur l’ensemble du territoire.
Il aurait été intéressant d’avoir des données sur l’accessibilité de ces structures en particulier en milieu rural isolé.
Par ailleurs il ne suffit pas d’avoir un dispositif pour que l’inclusion soit effective, il faudrait avoir des données sur les temps d’inclusion et sur le parcours des élèves concernés.
Il faut changer de paradigme
« On n’a toujours pas compris que les enfants handicapés ne sont pas des objets de pitié ou de soin mais des sujets de droit »
Nous l’avons dit lors de notre déclaration liminaire et pendant les échanges qui ont suivi, si l’on prend acte des avancés sur le plan de la compensation nous en voyons aujourd’hui les limites. L’école inclusive ne concerne pas seulement les élèves en situation de handicap, le travail à mené d’urgence sur l’accessibilité profitera à TOUS les élèves.
Un besoin de formation
Cela passe d’abord par la formation des enseignants, depuis trop longtemps maintenant nous demandons l’accès à une véritable formation à l’accueil des élèves à besoins éducatifs particuliers et à l’inclusion. Si certaines formations sont proposées au Plan Académique de Formation, elles ne sont à ce jour toujours pas accessibles aux professeurs des écoles.
L’enquête sur la formation continue dans l’académie avait pourtant mis en évidence cette attente chez nos collègues et leur insatisfaction concernant l’offre actuelle. (Relire notre article sur le plan de formation Premier degré)
Accessibilité des apprentissages
Il faut enfin remplacer la logique programmatique par une logique curriculaire. Les programmes annuels sanctionnés par des évaluations nationales très normatives vont à l’encontre de l’idée même d’accessibilité. Tout comme les locaux doivent s’adapter pour être accessibles, il faut penser les apprentissages et la pédagogie pour permettre à tous d’avancer et de réussir. Donner du temps en réactivant la politique des cycles.
L’école inclusive sera réussie lorsque l’on ne parlera plus d’école inclusive mais tout simplement d’école.
Si l’on ne prend pas à bras le corps la question de l’accessibilité nous laisserons nos collègues face à des difficultés insurmontables dans les classes. Accueillir de plus en plus d’élèves différents dans une forme scolaire inchangée et toujours aussi normative, est une double injonction paradoxale source de RPS.