La réunion de la F3SCTA (Formation Spécialisée, Santé, Sécurité et Conditions de Travail Académique) du 12 octobre a examiné le bilan du registre SST, l'occasion de parler des conditions de travail des personnels. Voici la déclaration lue en ouverture de cette instance.
Un bilan toujours aussi alarmant
Notre instance du jour doit étudier, entre autre le bilan des fiches du registre SST de l’Académie.
En moins de deux mois, 578 nouvelles fiches ont été saisies, 85% concernent toujours le premier degré.
Nous souhaitons mettre l’accent dans cette déclaration sur les conditions de travail des personnels.
Trop longtemps le métier d’enseignant a été vu comme une « vocation » s’accommodant finalement de conditions de travail dégradées.
Le nombre et l’augmentation des fiches SST sont les indicateurs inquiétants de ces conditions de travail dégradées et des risques psycho-sociaux qui y sont associés.
Les causes de cette dégradation sont multiples mais elles sont selon nous à chercher en premier lieu dans les injonctions contradictoires auxquelles sont soumis les personnels.
Ecole inclusive : penser l’éducabilité de toutes et tous
A commencer par l’école inclusive dont nous partageons pleinement l’objectif. Nous constatons pourtant une distorsion pour ne pas dire une contradiction entre cet objectif affiché et non seulement les moyens mobilisés, mais aussi l’organisation même du système scolaire.
Rappelons le, l’école inclusive est bénéfique pour les élèves. La diversité des profils permet une éducation à la sensibilité, à l’altérité. C’est une école de l’empathie. Elle rend tangible le principe d’éducabilité.
Une fois rappelé ce principe qui nous guide , nous ne pouvons qu’être très insatisfaits de la situation actuelle dans les classes.
En l’état actuel du fonctionnement de l’école, de nombreux collègues finissent par se demander si tous les élèves y ont leur place. Et nous faisons l’analyse que le principal obstacle reste la forme scolaire actuelle.
La première difficulté pour nos collègues vient de cette injonction paradoxale de l’Institution :
« Vous devez à la fois respecter et produire de plus en plus de normes (programmes, évaluations, méthodes, horaires…) et accueillir des profils d’élèves de plus en plus différents. »
Aujourd’hui quasiment tous les pays d’Europe sont passés de la logique de programmes à une logique du curriculum. Partir de là où en est l’élève tout en fournissant un cadre de référence, un socle.
Des choix politiques qui aggravent la situation
C’est pourquoi alourdir les programmes, les rendre plus complexes au prétexte d’élever le niveau (sic) tout en créant des groupes de niveaux, renier la logique du socle commun et des cycles, ajouter des évaluations nationales en CM1 et en 4ème nous éloigne d’une école réellement inclusive. Ces choix ne sont pas de nature à réduire la pression de ces injonctions paradoxales.
Dans le même moment, alors que la baisse démographique devrait permettre de desserrer l’étau de ces attentes paradoxales en réduisant le nombre d’élèves par classe, en permettant à l’école primaire de revenir au dispositif plus de maîtres que de classes par exemple. Le ministère fait le choix de supprimer encore des postes, particulièrement dans le premier degré. Là ou pourtant s’exprime le plus la souffrance au travail des collègues.
Alors que les professeurs français travaillent davantage d’heures dans l’année et qu’ils sont parmi les plus mal rémunérés des Pays de l’OCDE, le ministère propose aux personnels de travailler encore plus pour compenser la baisse de pouvoir d’achat massive des dernières décennies.
Quant aux annonces sur la formation continue dans le second degré, elles risquent comme cela est déjà le cas dans le premier degré, de la réduire à la portion congrue. On voit mal dans ces conditions comment atteindre, comme dans les autres pays de l’OCDE, les 8 jours annuels de formation continue préconisés par la Cour des comptes. Dans son rapport de septembre dernier, la cour pose par ailleurs le constat d’un lien étroit entre performance des systèmes éducatifs et formation continue.
Le temps de l’école n’est pas celui des politiques
Nous savons toutes et tous ici ce que génèrent des injonctions paradoxales, un sentiment de ne pas accomplir convenablement ses missions et un manque de reconnaissance de son travail.
Les données collectées via le RSST sont claires et constantes, 70% des fiches concernent des RPS. Et le nombre de démissions en forte progression les confirment. Nos collègues ne vont pas bien, l’école ne va pas bien . Il faut en prendre soin et pour cela il faut non seulement faire des bilans, mais tenir compte de ce qu’ils nous disent pour orienter les politiques éducatives. Pour le bien être des personnels et des élèves l’horizon de l’école ne peut pas se réduire aux ambitions politiques et à la cote de popularité d’un ministre.