Je me sens blessée, je me sens insultée, je me sens sacrifiée

Réponse de l'une de nos adhérente CPE à l'interview du recteur d'académie dans Ouest France le mercredi 12 janvier, à la veille de la grève des personnels.

La vie scolaire en première ligne

Je suis CPE dans un lycée général et technologique de 1100 élèves avec un internat.

Depuis le début de la pandémie, les services vie scolaires sont mobilisés pour le suivi de la crise sanitaire :

Appels des élèves et familles des élèves isolés, mise en place des protocoles, contrôle et rappel du port du masque, application du gel hydro-alcolique, adaptation des services de restauration, adaptation des cours de récréation, des espaces de vie scolaire, ….

Et Surtout nous assurons le suivi des cas positifs et de leurs cas contacts : Nous vérifions chaque jour qu’aucun élève positif n’est revenu avant la fin de sa période d’isolement. Nous informons les cas contacts à risques et leur famille.

Il faut expliquer à chaque fois aux élèves et à leurs familles les règles à suivre. Nous conseillons sur les prises de rendez-vous pour les tests et nous accompagnons le suivi de leur scolarité.
Chaque jour, nous contrôlons le retour des tests des élèves cas contacts en nous adaptant aux nouveaux protocoles, au pied levé. Et ce depuis mai 2020 !!

Protéger la santé de chacun

Toutes les équipes ont eu le souci de contrôler la situation sanitaire de leurs établissements : Pas parce que cela était demandé mais pour protéger la santé de chacun. La santé de nos élèves, de leurs parents, de nos collègues.

S’adapter à un nouveau protocole, cela veut dire de nouveau créer un outil de suivi. C’est inventer une procédure en lien avec le logiciel Vie scolaire.
Indiquer à son équipe d’assistants d’éducation les changements et expliciter les procédures.

Les services vie scolaire sont en contact direct avec les familles : Les assistants d’éducation (AED) doivent répondre à l’incompréhension et parfois à l’agressivité des certaines familles.

Une flambée épidémique à la rentrée

Depuis le 02 janvier 2022 18 heures et jusqu’à ce jour, nous sommes avec mon collègue présents en continu. Nous travaillons plus de 45h par semaine pour absorber cette vague et soutenir notre équipe. (Nous n’aurons aucune contrepartie de ces heures).
Les chiffres annoncés par M Le recteur le 12 janvier 2022 sont très en-dessous de la réalité : 150 de mes élèves ont contracté le virus en une semaine. Mon établissement représenterait 6.25% des contaminations d’élèves en Bretagne !

Pour chaque cas confirmé, nous recensons entre 3 et 15 cas contacts à risques.

Tous les jours, de nouveaux cas positifs donc de nouveaux cas contacts, donc de nouvelles situations sous surveillance, donc de nouvelles vérifications, donc de nouvelles attestations à distribuer… Tous les jours, tous les jours, tous les jours,….

Oui, Monsieur le recteur, c’est le bazar !

Alors,

Vendredi soir, lorsque j’ai quitté mon travail, j’ai pleuré. Dans ma voiture. Avant d’arriver chez moi. Pour ne pas que mes enfants voient. Pour ne pas que l’on s’inquiète pour moi.

J’ai l’impression d’écoper à la petite cuillère un navire qui prend l’eau à cause d’un trou béant dans la coque.

Aussi, quand monsieur le recteur – « interrogé dans son bureau du rectorat où règne un calme parfait » (cf article OF-du 12 janvier 2022) – clame que ce n’est « pas du tout le bazar dans les établissements scolaires », je suis en colère et j’ai encore envie de pleurer.

Quand, une fois de plus les personnels vie scolaire (CPE et assistants d’Education) ne sont pas cités, (auxquels nous pouvons rajouter les infirmières scolaires et les personnels administratifs), je suis en colère.

  • Je suis en colère parce que les assistants d’Education travaillent sans relâche (payés au SMIC) pour assurer ce suivi et la gestion de la crise.
  • Je suis en colère parce qu’ils sont exposés (surveillance des élèves non masqués dans les restaurants scolaires, surveillance des internats) et que pourtant ils répondent présents pour suppléer à l’absence de leurs collègues ayant contracté le virus.

Quoi qu’il en coute !

Alors, oui, monsieur le Recteur, c’est une « gestion au jour le jour » et le « suivi territorial est assuré d’une façon extrêmement fine ».
Mais pendant ce temps, monsieur le recteur, nous manquons à nos missions. Pendant ce temps, nous ne luttons pas contre le décrochage scolaire ni le harcèlement, nous n’accompagnons pas à l’orientation, nous ne favorisons pas l’engagement, nous n’éduquons pas à la citoyenneté, nous ne soutenons pas les élèves en souffrance, nous n’encourageons pas les projets citoyens, nous ne dynamisons pas la vie lycéenne, nous ne favorisons pas l’ouverture culturelle, nous n’accompagnons pas les élèves à besoins éducatifs particuliers, ….

Les écoles seront restées ouvertes, mais nous aurons perdu des enfants.
Voilà ce qu’il en coute !

Article de Ouest-France du mercredi 12 Janvier