Monsieur le Recteur, les personnels ne vous disent pas merci !

Le Premier Ministre le 28 avril, promettait bienveillance et souplesse aux équipes éducatives pour organiser, au plus près du terrain le retour progressif des élèves. La note envoyée par le Recteur aux directrices et directeurs, est tout sauf une marque de confiance faite aux acteurs de terrain.

                                                           Monsieur le Recteur,

Votre courrier de consignes pour la reprise dans le premier degré adressé aux directrices et directeurs d’écoles hier 30 avril en fin de journée nous conduit à vous écrire pour vous dire à la fois notre consternation et notre colère.

Ou est la confiance ?

Monsieur le Premier Ministre a, dans son intervention du mardi 28 avril, au sujet de la reprise d’activité dans les écoles, prononcé des paroles fortes : « souplesse au terrain » et « confiance dans les équipes ».
Vos consignes -ce mot déjà dit tout – montrent que malgré vos remerciements quotidiens aux personnels pour leur engagement, vous ne leur faites pas confiance.

Les interventions médiatiques incessantes et contradictoires de notre ministre bousculent en permanence nos collègues, en s’adressant aux médias avant de s’adresser à ses propres personnels, ordres et contre-ordres se succèdent créant du désordre et de l’angoisse. Nous atteignons souvent les limites de la maltraitance.

Les injonctions contradictoires sont génératrices de risques psycho-sociaux, les personnels de l’éducation nationale n’en subissent que trop.

Votre courrier d’hier est très mal reçu, là où nous attendions un soutien dans la mise en œuvre de la reprise progressive et prudente dans nos écoles nous recevons des injonctions brutales, descendantes, qui ne prennent pas en compte les spécificités des territoires et qui vont augmenter encore, s’il en était besoin, le stress des personnels….

Quel dialogue social ?

Lors du CHS-CT A du matin un vœu a été très largement émis par les représentants des personnels vous demandant de donner du temps aux équipes pour préparer cette reprise d’activité dans de bonnes conditions, considérant qu’un retour des élèves la semaine du 11 mai est prématuré.

Vous entendez, vous remerciez les personnels, mais vous nous donnez des consignes d’accueillir dès le 12 une partie des élèves et les autres le 14. Ce n’est pas ainsi que nous entendions la progressivité et le cas par cas affiché par le premier ministre…Quelle conception du dialogue !!

Et sur le terrain, les personnels nous font part de la multitude de questions pratiques et matérielles qui restent sans réponse, et qui nécessitent du temps et une réponse au cas par cas.

Nous vous demandons donc de revenir sur cette consigne au plus tard lors du prochain CTA afin de laisser aux équipes, en concertation avec les élus et les IEN, la latitude nécessaire pour organiser cette reprise dans les meilleures conditions de sécurité sanitaire possibles.

les acteurs de terrain attendent de la confiance

Dans ce courrier vous donnez des indications sur la taille de groupe, 15 maximum en élémentaire ce qui correspond aux consignes ministérielles.
A vous lire il semblerait que le nombre de 15 élèves accueillis par classe devienne le seuil à atteindre : « lorsque les effectifs sont supérieurs à ces seuils, il conviendra de mettre en place un fonctionnement alterné » ; « lorsque les effectifs ne sont pas supérieurs sus évoqués, il n’y a pas lieu de mettre en place une alternance ».

A partir du 11 mai, les regroupements dans la rue sont limités à 10.  Dans votre fiche opérationnelle n°5 de notre académie, vous rappeliez la Foire Aux Question ministérielle :

« Regroupement des enfants des personnels de santé : Les regroupements sont envisagés sous l’autorité des DASEN dans le respect de 10 enfants maximum par classe»

Pour le Sgen-CFDT, ce type de précautions sanitaires a toujours lieu d’être.
Combien de classes dans l’académie sont en mesure d’accueillir 12, 13, 14 et même 15 élèves dans de bonnes conditions sanitaires ? Pouvez-vous nous le dire lors du CTA ?
L’application des règles de distanciation sociale dans certains locaux ne permettra pas d’atteindre le nombre de 15 élèves.

C’est à chaque équipe d’école de déterminer en lien avec les municipalités et leurs services le nombre d’élèves qu’il est possible d’accueillir dans des conditions sanitaires conformes au protocole qui va nous parvenir. Le Sgen-CFDT demande donc de laisser la latitude aux équipes des écoles de constituer des groupes inférieurs à 15 élèves. 

Il est normal que les organisations retenues par les équipes en lien avec les communes soient validées par les IEN, responsables des écoles en l’absence d’établissement dans le premier degré. Nous vous demandons de faire confiance à l’intelligence collective des directrices et directeurs d’école avec leurs équipes ainsi qu’à leur vigilance dans le cadre du protocole sanitaire sous le contrôle des IEN.

Priorité au télétravail pour les personnels administratifs

Vous vous êtes adressé aux personnels administratifs de l’académie le 27 avril en indiquant qu’ils devraient « retrouver très prochainement leur cadre de travail. »
Or, les annonces du Premier Ministre du 28 avril 2020 sont on ne peut plus claires : au moins durant trois semaines à compter du 11 mai, le télétravail devra être prioritairement maintenu partout où cela est possible.
Pour le Sgen-CFDT, non les personnels administratifs ne devront finalement pas « retrouver très prochainement leur cadre de travail ». Pour des raisons sanitaires, nous leur conseillons de poursuivre le travail à distance, dès lors que les missions qu’ils ont effectuées en télétravail depuis le 17 mars 2020 pourront être poursuivies en télétravail.
Ils pourraient venir ponctuellement, quand cela sera impérieusement nécessaire et s’ils ont l’assurance que toutes les précautions sanitaires prévues dans les protocoles sont préalablement assurées.

Votre courrier a soulevé des réactions d’incompréhension légitimes dans les services et les EPLE.

Nous demandons donc que les préconisations présentées par le Premier Ministre s’appliquent aux personnels administratifs de notre académie comme à tous les autres salariés en capacité de télétravailler.

Situation de nos collègues AESH

La situation des personnels AESH mérite aussi toute votre attention, les consignes de distanciation existent, mais leur mise en œuvre est difficile, voire souvent impossible avec les élèves en situation de handicap qu’ils accompagnent. La question se pose tant dans le premier que dans le second degré. Dans votre courrier pour le premier degré, vous évoquez leur mobilisation dès le 11 mai et la nécessité d’analyser les besoins particuliers des élèves concernés. Pour ce qui est de la question pédagogique, elle est connue des personnels, la journée que vous qualifiez de « pré-rentrée » est en fait une journée de sortie progressive de crise sanitaire. Sur le plan sanitaire, quelles protections offrez-vous aux personnels qui ne pourront éviter le contact physique avec ces élèves, qui en ont besoin ? En tant qu’employeur vous avez un devoir de protection des personnels. Ces personnels AESH attendent de l’institution qui les reconnaît déjà si mal financièrement une attention toute particulière à leur situation.

Lors du CHS-CT A vous avez répondu à la question relative aux personnels dits « à risques », ou qui ont des proches dits « à risques » qu’ils devront produire un certificat médical de leur médecin traitant pour obtenir l’autorisation de continuer le travail à distance. Savez-vous combien de personnels n’ont pas ou plus de médecin traitant du fait de la pénurie de médecin de ville ? Ces personnels ont besoin d’une solution, ils ne sont pas responsables de cette pénurie. Quelles modalités leur proposez-vous ?Un recensement du nombre de ces collègues est-il prévu afin d’affiner l’organisation à compter de la reprise ? Certaines écoles, ultérieurement certains établissements, pourraient concentrer des personnels dans cette situation. Qu’est-il prévu pour l’organisation de la reprise dans ce cas ?

Travailler en concertation avec toute la communauté éducative

Nous terminerons ce courrier sur la question du dialogue entre les acteurs concernés, de la démocratie de proximité. Des personnels de direction envisagent déjà des réunions de leur CA, de leur CESC ou de la CHS de leur établissement avant la reprise. Il nous semble utile que des conseils d’école puissent se réunir dans la semaine du 11 avant le retour des élèves, ceci afin de permettre la présentation de l’organisation retenue aux parents d’élèves et en présence de la collectivité locale.

De même il n’existe qu’une instance qui réunisse les représentants de l’État, Préfet et autorités académiques, des collectivités locales, des parents d’élèves, des personnels et des associations complémentaires de l’Ecole.
Il nous semble regrettable que les CAEN et CDEN, où tous les acteurs peuvent faire le point ensemble sur l’organisation de cette reprise progressive ne soient pas réunis préalablement au retour des élèves.

Veuillez recevoir, Monsieur le Recteur, nos salutations respectueuses en espérant que la confiance indispensable à l’organisation de la reprise d’activité dans les écoles, dans les établissements et dans les services puisse se construire sur d’autres bases que l’exécution de consignes.

Luc Grimonprez
Secrétaire général du Sgen-CFDT Bretagne