Régulièrement, la question de la place des adjoints-gestionnaires des EPLE est évoquée, que ce soit dans divers rapports, ou lors des questions au parlement.
A nouveau, le sujet du transfert des gestionnaires aux collectivités territoriales refait surface.
Le fausse bonne idée resurgit dans un entretien au journal « les échos », par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Si la formulation est pour le moins maladroite, l’objectif semble clair sur le principe :
« en matière de gestion des collèges et lycées, les départements et régions auront désormais, conjointement avec les chefs d’établissement, autorités sur les intendants, qui gèrent les bâtiments, les cantines, et les personnels TOS. Ceci permettra de clarifier les relations entre les collectivités, qui financent la gestion des établissements scolaires, et l’éducation nationale, pour être encore plus efficace. »
Logique de l’histoire ?
Il nous faut tout d’abord souligner le manque évident de connaissances de la ministre. Car il n’y a plus d’intendants depuis bien longtemps dans les EPLE. Le corps n’existe plus depuis des décennies (1962) !
La véritable dénomination des personnels responsables de « l’intendance » est ADJOINT-GESTIONNAIRE.
Et la sémantique ne souffre aucune imprécision. Les termes employés renferment un sens, une histoire. Ce n’est pas juste un mot pour un autre dans un article de presse imprécis.
Ils/elles ont un métier, ils/elles sont adjoints-gestionnaires, c’est leur dénomination. Cette appellation porte intrinsèquement l’histoire de la décentralisation. Elle porte aussi la trace des évolutions de leurs missions et de leur place au sein de l’Eple.
Une appellation qu’une ministre en poste ne devrait pas ignorer.
ADJOINTS, car ces personnels sont les adjoints des chefs d’établissement, au centre de la gouvernance de l’Eple
ADJOINTS, par symétrie sémantique avec la fonction du second adjoint·e au chef d’établissement : le/la proviseur·e ou principal·e adjoint·e
Figure de style ?
Nous nous interrogeons : la formulation de la ministre relève t-elle de l’antithèse ou de l’oxymore ? nous hésitons encore !
Car enfin, qui peut prétendre que placer un des acteurs du pilotage de l’EPLE sous une double autorité hiérarchique, l’état et la collectivité territoriale, permettrait de clarifier les relations ?
S’agit-il pour la ministre de « simple » complaisance vis à vis des collectivités, qui n’acceptent pas l’idée du partenariat avec la direction de l’EPLE, et donc de l’état ? Ou plus sournoisement de faire miroiter à celles-ci la possible mainmise sur le pilotage des établissements ?
Déni volontaire ?
Enfin, les missions des adjoints-gestionnaires ne se résument pas à « la gestion des bâtiments, de la cantine et des personnels TOS » (3). Leur rôle dans ces domaines est d’ailleurs très variable d’une collectivité à l’autre. Non, ils/elles sont avant tout des acteurs à part entière de l’autonomie et de la gouvernance des EPLE.
Un EPLE ne peut être piloté efficacement que si son équipe de direction est placée sous une seule autorité hiérarchique.
- Premièrement, l’Adjoint gestionnaire est membre de l’équipe de direction
Le chef d’établissement est doté de deux adjoints., un chef d’établissement adjoint, et un adjoint gestionnaire, tous deux membres de l’équipe de direction.
Le code de l’éducation précise « dans ses fonctions de gestion matérielle, financière et administrative, le chef d’établissement, principal ou proviseur, est secondé par un adjoint gestionnaire ».
- Deuxièmement, il/elle est fonctionnaire d’état
C’est le ministre de l’éducation qui le/la nomme, parmi les personnels d’administration. Parfois Saenes, mais plus souvent issu·e du corps des Attachés d’Administration, recruté·e par la voie des IRA, Instituts Régionaux d’Administration. Ceux-ci recrutent et forment les cadres administratifs de l’Etat, sous l’autorité du premier ministre.
Les personnels qui passent les concours des IRA font donc un choix délibéré de travailler pour l’Etat, au sein d’un corps interministériel d’état.
S’ils/elles avaient voulu exercer dans une collectivité, ils/elles auraient passé les concours administratifs des collectivités territoriales !
- Enfin, ses missions en lien avec la collectivité ne représentent qu’une partie de ses domaines d’activité.
« L’adjoint gestionnaire est chargé, dans son champ de compétences, des relations avec les collectivités territoriales. Il organise le travail des personnels administratifs et techniques affectés ou mis à disposition de l’établissement ». Mais ses missions principales sont étatiques : gestion budgétaire et administrative.
Notre position est claire
Le Sgen-CFDT est opposé à la décentralisation des adjoints-gestionnaires
Sa place est dans l’espace pédagogique et éducatif, dans l’esprit du pilotage renforcé de l’Eple
La loi du 13 août 2004 a consacré la dernière phase de décentralisation. Mais le code de l’éducation, modifié à cette occasion, a inscrit la volonté ministérielle d’un pilotage renforcé de l’EPLE. En 2011, un décret confortait sa place dans la gouvernance de l’EPLE
Le décret 2011-1716, relatif à l’organisation et au fonctionnement des EPLE, précisait sa position par la dénomination « d’adjoint gestionnaire ». L’intention était claire : assoir ainsi sa place au sein de l’équipe de direction de l’EPLE et clarifier ses compétences.
En outre, dans le cadre de l’autonomie budgétaire de l’établissement, il peut dorénavant, en cas d’absence ou d’empêchement du chef d’établissement, exercer la responsabilité d’ordonnateur (1) suppléant. S’il fallait une seule preuve de la volonté de de conforter sa place dans le pilotage de l’établissement.
C’est donc l’un des rouages essentiels de la gouvernance de l’EPLE.
Le Sgen-CFDT soutient cette notion d’équipe de direction, d’appartenance à la communauté éducative au sein de l’éducation nationale. Au sein d’une équipe éducative, il/elle joue un rôle majeur dans la bonne réalisation des missions de l’établissement.
« Ses responsabilités sont importantes : outre la gestion matérielle, financière et administrative de l’établissement, il/elle encadre dans ce champ de compétences l’ensemble des personnels administratifs et techniques affectés à l’établissement. Et il/elle peut recevoir délégation du chef d’établissement ».
C’est aussi l’un des garants de l’autonomie de l’établissement
Dans les domaines du management, du pilotage et du contrôle, il/elle est :
- Indispensable à la mise en oeuvre opérationnelle des choix de l’établissement, à sa santé financière
- Facilitateur de la vie quotidienne, au service du bien-être de toute la communauté éducative, et par conséquent essentiel à la réussite des élèves
- Acteur central dans la réalisation de tous les projets pédagogiques, de l’organisation des sorties et voyages
- Expert pour rendre opérationnel le projet d’établissement dans sa dimension budgétaire et matérielle
Par ailleurs, ses connaissances juridiques, budgétaires et comptables lui confèrent une place privilégiée pour assister et conseiller le chef d’établissement.
Spécialiste de l’Administration, il/elle possède aussi l’expertise dans ce domaine pour le bon fonctionnement de l’administration de l’établissement, et de ses instances.
- acteur dans la mise en oeuvre de tout projet pédagogiques et éducatif,
- acteur dans la gouvernance de l’EPLE
- indispensable à l’autonomie de l’EPLE
En véritable Secrétaire Général·e de l’établissement, il/elle ne saurait donc exercer ces missions dans un autre cadre que celui de l’ETAT.
(1) un ordonnateur est un agent à la tête d’un ministère, …d’un établissement public … qui a, outre ses fonctions d’administrateur, le pouvoir de décision financière.
(2) Les Instituts régionaux d’administration (IRA) sont sous la tutelle du 1er ministre et rattachés à la DGAFP
(3) La fiche MPC09 du répertoire des métiers donne une approche du métier ici : fiche métier