AESH : une richesse pauvre

Le Sgen-CFDT Bretagne a mené une enquête au début de cette année scolaire auprès des AESH. Près de 800 personnes ont répondu. Personnels précaires, sous-payés, pas reconnus par notre institution, mais pugnaces et motivés, elles/ils sont bien une richesse…pauvre.

Malgré des pourcentages très forts de réponse sur la faiblesse des salaire, l’absence d’évolution professionnelle, de formation, et les mauvaises conditions d’exercice, les AESH manifestent une motivation exceptionnelle et l’envie de bien faire un travail qu’elles/ils estiment à juste titre indispensable. Maillon indispensable et motivé de l’inclusion, ce sont bien, comme le dit le slogan CFDT, une richesse pour notre système éducatif. En rentrant à la maison le soir, les AESH continuent de penser à leurs missions et « débriefent » … seul·es.  Précaires, sous-payé·es, pas reconnu·es par notre institution, mais pugnaces et motivé·es, ces personnels sont bien une richesse…pauvre.

PROFIL DES SONDE·ES DE NOTRE ENQUETE

De très nombreuses/nombreux collègues AESH (près de 800) ont répondu à notre enquête. Merci à elles et à eux de la confiance qu’ils nous ont témoignée. Nous livrons ici les chiffres, nos analyses ainsi que dans les bulles quelques extraits des commentaires rédigées par les sondé·es. Le lien vers notre enquête « AESH, faut que ça se sache ». Voici le le résumé des conclusions de notre enquête

Sans surprise, c’est à une écrasante majorité (93.5%) des femmes qui ont répondu à cette enquête contre seulement, 6.5% d’hommes.

La grande majorité est en CDD (74.6%) sur des contrats de 20 à 24h hebdomadaire (76%), affectées surtout en collège 36.5%, dans le 1er degré 37.5%, 13.5% en lycée, 12.5% dans le premier et le second degré.

58% d’entre elles vivent en couple, soit sans enfant (18%) soit avec enfant (44%).

 

ETAT D’ESPRIT, SANTE AU TRAVAIL : UN TRAVAIL QUI VOUS HAPPE

– Le travail a sur ces collègues un impact physique pour environ 29% d’entre elles. On peut noter que ce chiffre augmente quand il s’agit de celles qui exercent dans le 1er degré (35%).

– Mais c’est surtout sur le plan psychologique que le travail pèse  : 51% disent ressentir une fatigue psychologique et, plus inquiétant encore, 46% se sentent épuisé·es.

La charge mentale est partagée par 54%.

1 sur 6 constate être de plus en plus fatigué·e et pas loin de craquer (16%)

 

 

 

« Nous aurions besoin d’une formation sur les gestes de manutention pour préserver notre dos et nos articulations, car avec plusieurs collègues, nous accompagnons un élève en fauteuil roulant qui a besoin d’une aide notamment pour aller aux toilettes (nous devons être à deux pour le faire). Même le proviseur adjoint de l’établissement […] ne sait plus vers qui se tourner »

« La charge mentale des AESH est sous-évaluée dans beaucoup trop d’établissements »

Hormis les commentaires qui évoquent des types de handicap impliquant des conséquences physiques sur l’accompagnant·e (en cas de violences liées à un trouble du comportement par exemple) on constate peu de commentaires sur la charge mentale. Elle est pourtant très visible quand on regarde les réponses des sondé·es. Cette charge est-elle minorée inconsciemment ?

 

PIAL ET INQUIETUDE : AFFECTATIONS ET PIONS, UNE VISION CYNIQUE BOUCHER LES TROUS DU SYSTEME

– élément de précarité supplémentaire à noter : La nouvelle règle des Pôles Inclusifs Accompagnés Localisés leur impose la forte contrainte d’être amené à accepter des changements en cours d’année ce qui est très anxiogène. En effet, l’inquiétude quant à de possibles changements d’affectation touche 70% , cette inquiétude est majorée pour les personnels sur plusieurs établissements (73% avec 31% plutôt oui 42% tout à fait)

« Ce qui est difficile, c’est de subir des mutations intempestives en permanence »

« Le PIAL ne fait que combler un manque de personnels au détriment des enfants »

« L’augmentation du nombre d’élèves mutualisés ne permet plus un accompagnement de qualité »

 « Les changements d’affectation en cours d’année sont très compliqués à gérer aussi bien dans notre organisation personnelle que financièrement. »

DES CONDITIONS DE TRAVAIL MAUVAISES ET DEGRADEES

– C’est sans doute un facteur d’explication au sentiment largement partagé de dégradation sur les exigences du travail (61%)

– 63 % déclarent n’avoir pas ou peu les moyens de faire un travail de qualité, 48% déclarent ne pas disposer des informations suffisantes pour faire son travail, ce chiffre est encore plus grand quand le travail s’effectue sur plusieurs établissements (62%).

–  En outre, elles/ils ne se sentent pas toujours bien considéré·es par certain·es collègues pour 33% d’entre elles, et cette proportion augmente pour celles qui exercent sur deux établissements à la fois (43%)

–  Constat totalement paradoxal pour une catégorie qui aimerait accéder à un temps de travail plus conséquent, 35.5%  déclarent dépasser régulièrement leurs horaires de travail.

 

UN SALAIRE INDECENT, DES FRAIS PROFESSIONNELS MAL OU PAS REMBOURSES, PAS DE PRIMES

Le salaire est le plus gros point noir. Pour 96% la rémunération ne permet pas de vivre décemment (68.5% pas du tout, 27.5 plutôt non), et pour 87% c’est un frein pour rester dans ce métier, 84% juge le remboursement des frais insuffisant.

 

Il faut bien évidemment se rappeler que non seulement le salaire à temps complet est au SMIC (et encore, il a fallu déjà par deux fois relever l’indice minimum pour ne pas être en deçà) mais qu’une grande majorité d’AESH exercent à temps incomplet (la majeure partie des contrats sont à 24h hebdomadaires soit 62% du temps) et touchent donc un salaire net mensuel de moins de 800 euros. Les conditions de travail ne leur permettant souvent pas le cumul d’emploi en raison des horaires ce qui crée une extrême précarité.

Les frais professionnels mal ou pas remboursés grèvent lourdement des budgets déjà très faibles. L’absence de prime n’arrange rien et contribue à un légitime sentiment d’injustice quand d’autres catégories de personnels les touchent.

Ce point a déclenché de nombreux commentaires.

« Salaire misérable et donc future retraite misérable »

« Pas de prime REP pour les AESH »

« Temps partiel imposé, faible rémunération »

« Un salaire décent ! C’est mon vœu le plus cher ».

« Afin de vivre décemment, je dois cumuler deux ou trois emplois et cela n’est pas sans conséquences ».

« Ils nous parlent de défraiements pour nos déplacements : défraiements bien maigrichons touchés dans le meilleur des cas 6 mois après ! »

COINCE·EES ENTRE UN PLANCHER COLLANT ET UN PLAFOND DE VERRE

– L’avenir paraît bouché pour 94% qui ne voient pas ou peu de perspectives d’évolution professionnelle. Il faut rappeler que la grille salariale commence très bas…et ne monte pas haut. Les changements d’échelon tous les trois ans sont extrêmement faibles. Comme le note amèrement l’une des sondé·es : « Comment voulez-vous attirer du personnel si même au bout de 3 ans vous êtes à peine augmenté ?! »

Injustice supplémentaire, les collègues ont parfois accompli des missions identiques par le passé …mais sous un contrat différent (CUI-CAE, AVS). Or leur ancienneté n’est pas reprise. Enfin, pour se reconvertir, il n’existe aucune Validation des Acquis de l’Expérience. Les AED par exemple bénéficient d’un reclassement quand elles/ils passent les concours. Ce n’est pas le cas des AESH.

 « Mon expérience en tant qu’EVS n’est pas prise en compte. J’exerce ce métier depuis 8 ans et je suis toujours en CDD ! »

« Manque de reconnaissance et voie de garage ».

Notre administration peine d’ailleurs à recruter…Les élèves accompagné·es ont besoin de stabilité. Mais dans de telles conditions, comment ne pourrait-il pas y avoir un fort turn-over ?

ENVIE DE BIEN FAIRE SON TRAVAIL ET LACUNES DE LA FORMATION

– La formation est un véritable problème : 78% y ont peu ou pas du tout accès alors qu’elles/ils en expriment très fortement le besoin. La moitié n’a pas été informée suffisamment pour savoir comment y accéder. 78% ont peu ou pas du tout le choix de la formation suivie. Les formations correspondent peu ou pas aux attentes, pour 78%, elles ne sont pas disponibles à proximité, pour 80% les formations sont proposées à des horaires et des lieux peu ou pas accessibles,

– Cette absence de formation n’est pas contrebalancée par un temps de travail d’équipe car 85% des sondées déclarent ne pas avoir de temps dédié à un échange entre collègues.

 

« J’ai l’impression d’être jetée dans les classes sans avoir la notion de ce que je pouvais me permettre de faire ou pas »

« Un plan de formation nous est distribué à chaque début d’année, en revanche, le nombre de places étant limité, nous pouvons faire plusieurs années de suite sans formation. »

« J’aimerais avoir chaque année une formation d’une semaine ou plus sur un handicap particulier que je choisisse en fonction de mes besoins »

« Je souhaiterais enrichir mon travail par des périodes d’observations au sein d’autres structures (IME, SESSAD etc..) »

 

INVESTIES ET ENGAGEES DANS LEURS MISSIONS …MAIS PAS RECONNUES

« UN TRAVAIL VALORISANT…MAIS MAL VALORISE »

– Malgré ces constats très accablants, on peut noter un investissement exceptionnel dans le travail : 51%  déclarent « se sentir bien dans son travail et s’y investir ».

– En effet, ce travail est perçu comme largement valorisé, à 81.5% par les familles et les enfants suivis : 58.5%  répondent plutôt oui à l’affirmation « mon investissement dans le travail est reconnu par les élèves, leur famille » et 23% répondent « tout à fait ».

Malheureusement, la proportion s’inverse totalement quand on propose l’affirmation « Mon investissement dans le travail est reconnu par l’Education nationale ». Les personnes interrogées sont 82.5% à trouver que non (41.5% pas du tout, 40% plutôt non).

« Aesh est un vrai métier, pas un travail d’appoint ! »

« Je me sens maltraitée par l’Education nationale »

« Marre d’être considérée comme une sous-merde de l’Éducation nationale » « On m’a infantilisée dans la manière de s’adresser à moi ».

« Nous sommes trop transparentes » « Je me sens oubliée »

« La seule reconnaissance est le retour des élèves, leur famille et le personnel de l’établissement. Merci à eux. »

Malgré des pourcentages très forts sur des salaires ne permettant pas de vivre, l’absence d’évolution professionnelle, l’absence de formation pour répondre aux besoins de faire son travail correctement, bon nombre de collègues affirment avoir envie de continuer à s’investir dans leur métier (plutôt oui à 40% et tout à fait à 33.7% soit 74% environ au total !). Cela montre leur attachement à ce travail.

 » Métier passionnant mais pour lequel on demande des compétences largement supérieures à la rémunération »

« Aesh : travail valorisant mais mal valorisé »

 » Un métier super que beaucoup continuerait de faire si l’on pouvait en vivre et s’il était mieux considéré »

FEMMES ET AESH : LA DOUBLE PEINE

AESH, aides à domicile, aides-soignantes, notamment dans les Epahd… toutes ces professions font partie de ces métiers du « Care » , de toutes ces missions de service public, de service au public fortement féminisées et fortement sous-payées.

Cela devait évoluer après le COVID…

La CFDT se mobilise pour rendre visibles toutes ces professions et montrer leur forte utilité sociale.

« Je suis une travailleuse dite pauvre »

« mon conjoint est obligé de subvenir à mes besoins ! Et pour quelle retraite ????? »

« La fonction d’AESH me convient parce que nous sommes en couple et nous travaillons tous les deux »

« Si j’avais été en couple, je continuerais ce travail mais ce n’est pas le cas. Donc je vais devoir changer ».

 » Mon salaire ne me permet pas d’élever seule mes deux enfants mineurs »  » si rien ne change je serai obligée de trouver un temps plein ailleurs alors que j’aime accompagner les enfants dont je m’occupe »

« Je pense que tant que la profession restera majoritairement féminine les AESH resteront des pions, pour la jolie vitrine de l’Education nationale. Même problème que pour infirmière, sage-femme etc….Si les AESH étaient majoritairement des hommes, nos députés se seraient plus intéressés à nous. »

 

SE BATTRE POUR LES AESH ET POUR L’INCLUSION : NOS REVENDICATIONS

 Il ne suffit pas de décréter l’inclusion. Il faut s’en donner les moyens. Cela passe par un changement de statut et de conditions de travail.

 

UN VRAI STATUT UN VRAI METIER UNE VRAIE EVOLUTION DE CARRIERE

SALAIRE

– un statut de catégorie B qui démarre au même salaire mais avec des changements d’indice tous les deux ans (au lieu de trois) comportant 13 échelons et non 11

en attendant

– ne pas commencer au Smic voire en dessous, mais au minimum à l’indice 350 (et pas 343), des débuts de carrière plus rapides davantage semblables à ceux des Atsem

– remboursements de frais de déplacement, application du guide national : mise à disposition automatique du matériel nécessaire dont les fournitures scolaires

– prime REP, REP+

– prime informatique

– le versement de l’indemnité compensatrice de la CSG

– heures de fractionnement : mise en paiement des 14h non appliquées sous forme de versement de X jours de salaires, 40 euros en moyenne X nb de jours qui manquent

– prime d’équipement suite au covid

– des facilitations pour accéder plus rapidement à l’action sociale, notamment pour les personnels qui ne dépendent pas du rectorat (hors titre 2)

STATUT ET EVOLUTION DE CARRIERE

– passage anticipé au CDI possible dès les 3 ans voire avant

– reprise d’ancienneté pour les contrats de CUI-CAE comme ceux d’AVS de droit privé, puisque cela se fait dans l’enseignement agricole public

– de vraies mobilités fonctionnelles, une vrai VAE notamment pour celles qui quittent la fonction

– des moyens pour les référentes aesh de fonctionner

TEMPS DE TRAVAIL 

– emploi du temps gruyère : intégrer les heures « de trous » en collège et en lycée dans le temps de travail, à défaut les comptabiliser dans le compte épargne temps

– planification des formations en dehors des mercredi seul jour où les aesh du 1er degré peuvent cumuler un deuxième emploi,

– intégration des temps de formation conséquent sur les semaines de travail prévus

FORMATION

– une formation initiale avant la prise de fonction beaucoup plus importante en volume

–  des formations faisant aussi appel à des acteurs/actrices du monde médico-social et du monde associatif, des formations sur les postures/gestes sur certaines pathologies

– un accès réel et régulier à la formation continue, avec une formation continue de deux sortes, une spécifique aux aesh, une autre mélangeant les différentes catégories de personnel

– des formations plus proches des lieux d’exercice voire sur les établissements à l’instar des formations d’initiative locale

– sensibilisation des autres catégories de personnel aux missions des aesh en diffusant plus largement le guide académique (par ex lors des journées de pré-rentrée dans le 2nd degré, via les IEN aux directrices et directeurs d’école dans le 1er degré)

– temps de concertation sur temps de travail entre aesh et avec le reste des équipes

PIAL

– une limitation du nombre d’enfants à prendre en charge et/ou des différents lieux d’exercice

– une équipe de remplaçant·es AESH

CONDITIONS D’EXERCICE

– des échanges entre pair à l’instar des groupes de secteur pour certains personnels, avec une référente aesh formée à ces échanges de pratique pour alléger la charge mentale

– une prévention des risques psycho-sociaux : accès à la psychologue du travail ou prise en charge de consultations liées au travail

– une clarification dans les interlocuteurs de proximité auxquels s’adresser

– des fiches de procédures sur les différents actes administratifs

– des créneaux dédiés à la concertation entre aesh et avec les enseignant·es