Agenda social : carrières, formation, évolution des métiers sont "sur la table". Alors que les administratifs de l'EN et de l'ESR sont parmi les plus mal rémunérés, se sentent peu considérés, les propositions du ministère seront-elles à la hauteur des enjeux ?
L’AAE (attaché d’administration de l’état), appartient à la catégorie A et à un Corps Administratif Interministériel à Gestion Ministérielle (CIGEM). Nous exerçons dans le domaine de l’éducation. Nous sommes donc géré·e·s par l’Education nationale ou par l’enseignement supérieur et la recherche.
L’AAE, cadre A administratif·ve, peut être appelé·e à exercer des fonctions juridiques, financières, administratives, de pilotage, de GRH ….
Corps inter-ministériel… quel avantage ?
Nous exerçons nos fonctions dans de multiples univers professionnels des différents ministères. Dans nos champs professionnels (E.N et E.S.R), nous exerçons
- en EPLE (adjoint-gestionnaire, fondé de pouvoir ou agent comptable) ,
- en services centraux (ministères), en services déconcentrés (DSDEN et rectorat),
- dans les établissements de l’enseignement Supérieur, dans les CROUS, les INSPE.
L’attaché·e, qui appartient à un corps interministériel peut donc théoriquement transiter d’un ministère à l’autre, sans passer par un détachement.
Mais en réalité ce n’est pas le cas, car une « hiérarchie » implicite existe au sein même du corps. Entre ministères mais aussi au sein des ministères. Échelle des emplois, mais jamais formalisée.
Pourquoi notre administration a-t-elle donc toujours besoin de verticalité, là où l’horizontalité et la transversalité sont théoriquement possibles ?
Education nationale : un choix par défaut
Depuis la mise en place du CIGeM (1) en 2011, nous constatons malheureusement que ce corps interministériel des Attaché·e·s est en réalité resté hiérarchisé (de manière informelle évidemment). Et la concurrence subsiste entre ministères.
Conséquence : au sein du corps des AAE, on constate de fortes inégalités de déroulements de carrière et de rémunération.
S’ajoutent des différences dans les conditions de travail (accès au CET (2) ou au télétravail par exemple…). Les possibilités de formation initiale ou continue sont très différentes d’un ministère à l’autre. D’énormes écarts entre les régimes indemnitaires se sont creusés.
Il y a donc toujours une « hiérarchie interne » au sein du corps. Les postes convoités, les ministères prestigieux… et les autres.
EN et ESR : mauvais élève !
Et il faut dire que dans tous ces domaines, nos ministères ont de gros progrès à faire pour être à la hauteur ! Petit à petit, l’attractivité des postes dans nos champs professionnels s’est réduite.
Au point où le ministère de l’éducation nationale est devenu trop souvent celui que l’on « choisit » par défaut, et que l’on quitte au plus vite.
25% des AAE issus de l’IRA ont quitté le ministère de l’éducation nationale avant 5 ans.
Concurrence et profilage, qui en profite ?
En outre, parallèlement à la mise en place du CiGEM, nous voyons maintenant se généraliser les Postes à Responsabilités Particulières (PRP= poste profilé). Alors que des passerelles auraient pu se multiplier, elles sont réduites à cause de cette multiplication de recrutements sur profil. Notre administration ne sait-elle donc penser autrement qu’en mode pyramidal ?
Quand unicité rime avec inéquité
Le mode de recrutement est donc commun (3), mais c’est bien le seul point d’égalité. Alors que les IRA assurent une formation commune et « uniforme » de tous les AAE, toute la carrière future variera selon votre lieu d’affectation.
Les sortants de l’IRA peuvent être affectés sur tout type de poste, mais les possibilités de mutation de ceux qui sont affectés en EPLE, ou dans les CROUS par exemple, se réduisent ensuite comme peau de chagrin.
A l’éducation nationale par exemple, les postes d’adjoints gestionnaires en EPLE sont accessibles à tous les AAE de toutes origines. A l’inverse, les postes dans les services ou l’université, les postes de fondé de pouvoir ou d’agents comptables donnent lieu à profilage quasi systématique (environ 40% des postes sont profilés).
Impression que plus vous vous rapprochez du recteur, plus vous êtes « méritant », et que plus vous vous rapprochez du ministre, plus vous êtes exceptionnel !!
Passer d’un EPLE ou de la DSDEN au rectorat représente-t-il réellement une promotion et l’inverse une régression ?
La « hiérarchie dans le corps » est malheureusement inscrite dans certains modes de pensée de nos décisionnaires. Elle est implicite dans les modalités de gestion (système indemnitaire et possibilités de mutation par exemple).
Certains services seraient-ils plus prestigieux que d’autres ? Ne concourrons-nous pas tous et toutes à la réalisation d’un seul objectif commun : la réussite de tous les élèves ?
Le manque d’attractivité de nos ministères se mesure aussi par l’absence de possibilités de promotions.
Sur ce sujet, lire aussi notre article ci-dessous.
AAE à l’éducation : carrière bridée, plafonds de verre
Dans les problèmes d’attractivité, outre les inégalités, il faut aussi mentionner les faibles possibilités de progression de carrière à l’intérieur du corps. Les taux de promotion sont très insuffisants. De nombreux AAE termineront leur carrière au premier grade et n’arriveront même pas au grade d’attaché principal. Premier plafond de verre.
Ensuite, la question de l’accès au grade d’AAHC (dernier grade du corps) se pose notamment pour les APAE (attachés principaux) confrontés à un véritable second plafond de verre.
PROMOTION IMPOSSIBLE
Car avec la mise en place des cartes cible des EPLE au sein des académies (réduction et concentration des agences comptables entrainant la disparition de centaines de postes), les postes d’agent comptable ont fondu comme neige au soleil et les possibilités de promotion aussi.
Nous n’évoquons pas encore ici l’incidence de la réforme à venir dite Modernisation de la Fonction Financière en EPLE (MF2) et ses perspectives. Risque de « faire fondre » encore davantage les perspectives d’avancement (annonce de nouvelles mutualisations, au niveau de la gestion cette fois, et donc de suppressions de postes).
Dans les services, particulièrement ceux des académies impactées par la réforme territoriale en cours en 2020, le même phénomène apparaît avec les mutualisations (fusion de services).
Conditions de prise de poste : répulsives
Que dire des conditions de la prise de fonction, de la primo-affectation, ce « parachutage » le 1er septembre, quasiment sans formation sur des postes à responsabilités, généralement très exposés, seul·e·s, isolé·e·s, et sans accompagnement. Au mieux, il y a un tuteur, recruté·e parmi des pairs, et qui ne sont pas déchargés pour assurer cette mission. Quelques journées de formation, loin d’être à la hauteur des besoins et des enjeux…
Accueil réfrigérant, des exemples
En EPLE, les nouveaux arrivants se prennent dès la première semaine d’affectation une belle première « vague » de stress. En effet, à la minute où ils et elles mettent le pied dans l’établissement, il faut répondre à toutes les sollicitations financières, matérielles, organisationnelles, de sécurité, GRH…
Lire sur ce sujet : le rapport sur les problèmes de recrutement en EPLE
Pas un instant de répit, seul·e·s et isolé·e·s dans leurs missions spécifiques, rarement accueilli·e·s alors qu’ ils et elles ne connaissent ni la configuration géographique, ni la situation financière, ni leurs interlocuteurs…,
Idem dans les services académiques, il faut aussi répondre immédiatement aux commandes de la hiérarchie et toutes les autres sollicitations. Pas de formation d’adaptation à l’emploi, pas le temps d’acquérir les codes ni les modalités de fonctionnement (validation du supérieur hiérarchique, circuits de signatures, relations avec les partenaires extérieurs …) ….
maltraitance institutionnelle !
Bienvenue à l’éducation nationale !
Formation sacrifiée
Côté formation d’adaptation à l’emploi, au mieux quelques courts modules de formation dans les premières semaines de leur prise de poste. Ce qui a pour effet de les déstabiliser encore davantage, puisque personne ne les remplace lorsqu’ils sont en formation. Et il ne faut pas croire que la situation s’améliore en quelques semaines pour les collègues …
Cadres administratifs, formation au rabais.
La dernière réforme de la formation initiale aggrave encore la situation des arrivants.
Formation initiale réduite de moitié (6 mois au lieu d’un an). Et au passage quelques millions d’euros économisés sur le dos de la formation des cadres administratifs. Avec la réforme de la scolarité des IRA, la question de la prise de poste revêt une acuité toute particulière.
Car les nouveaux collègues arrivent désormais en cours d’année scolaire. Comment alors organiser une formation digne de ce nom ?
Sur ce sujet, lire aussi notre article : AAE La réforme de scolarité et la crise pénalisent encore les stagiaires
Et quid de l’égalité de traitement entre les AAE affectés en EPLE ou en Service académique ? Ils doivent faire preuve sans aucun répit, de leur capacité d’adaptation et de réaction en vue de leur titularisation future qui relève désormais de la compétence des Recteurs.
A lire aussi …
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Notre article à la sortie de la concertation sur l’INDEMNITAIRE
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le compte-rendu-de-la-capn-des-attaches-juillet-2020/
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l’article « les premiers de corvées » : declaration-a-la-capn-des-attaches-dadministration-de-letat-aae-du-2-juillet-2019/
- /quelles-perspectives-devolution-pour-les-AAE ?
Glossaire
- (1) CiGEM = corps interministériel à gestion ministérielle. Effectif depuis 2011 pour le AAE . Décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 portant statut particulier du corps interministériel des attachés d’administration de l’Etat.
- (2) CET : compte épargne temps (qui n’est pas mis en œuvre partout).
- (3) IRA : recrutement par les IRA. 5 instituts régionaux d’administration recrutent et forment les AAE à Nantes, Bastia, Metz, Lille et Lyon
- PRP : postes à responsabilités particulières (postes profilés)