GRH de proximité, un jeu de dupe ?

Notre académie a fait le choix de faire appel à des AAE (attachés) Adjoints gestionnaires en EPLE pour expérimenter la GRH de proximité. Si la GRH de proximité est sur le fond une excellente idée, nous sommes toutefois très réservés sur la forme.

GRH de proximité, un projet si flou….

 Annoncé en 2018 comme une petite révolution par le ministère, et expérimentée déjà dans quelques académies,  la mise en place de la GRH de proximité (dispositif visant à assurer un accompagnement individualisé des personnels dans leurs parcours professionnels, leurs besoins en formation et en évolution professionnelle, et apporter aux responsables locaux un appui RH de premier niveau dans leur gestion managériale) n’est pas qu’une simple outil supplémentaire de GRH. Ce dispositif mérite d’être placé dans un  contexte de profonde mutation voulue par le gouvernement (projets de loi en cours de discussion à l’assemblée) et mis en parallèle des évolutions de la fonction publique et des réformes au sein du ministère de l’éducation nationale.

Une solution qui ne se donne pas les moyens de réussite

Il est vrai que notre ministère souffre d’absence de GRH, mais  la réponse institutionnelle au malaise grandissant des personnels n’est pas à la hauteur des enjeux, et surtout, ne se donne pas les moyens de sa réussite.
Dans un ministère  sous-administré (1), où les personnels sont déjà sous forte pression, et dans un contexte de suppressions massives de postes administratifs, créer une vraie GRH pour les 36 000 agents de l’académie (et le million d’agents du ministère), est-ce raisonnable et réalisable ?

Le dispositif académique, qui reposera sur le Attachés gestionnaires en EPLE, s’adressera  dans un premier temps aux personnels du second degré, et à terme au premier degré, dont la GRH de proximité se situe  actuellement dans les DSDEN… quid des postes en DSDEN ? Sous prétexte de proximité,  le dispositif ne va-t-il pas en réalité se résumer une nouvelle fois à la suppression de postes sous prétexte de disparition de tâches et un nouveau transfert de charge vers les EPLE ?…

 Encore une fois, on  charge la barque des administratifs en EPLE.

Le choix de faire reposer le dispositif sur les AAE des EPLE est fondé sur le postulat d’une hypothétique  baisse de charge de travail des personnels des EPLE. C’est généralement faux. S’il est vrai que le travail s’est transformé avec la décentralisation, de nouvelles tâches sont apparues sous l’effet combiné de la RCBC (2), des nouvelles contraintes liées à la « sécurisation comptable » et  de l’arrivée de la dématérialisation.  Les  métiers de l’intendance ont profondément changé et les fonctions s’apparentent maintenant  davantage à des fonctions de contrôleurs de gestion (procédures nouvelles à formaliser, auto-contrôles, évaluations, traçabilité, rapports de gestion, compte-rendus d’exécution des budgets….). Rajouter encore la GRH de proximité sans avoir pris en compte la réelle charge de travail que cela va induire pour les adjoints gestionnaires sollicités, n’est-ce pas encore une fois un jeu de dupe ?

entretiens professionnels

La GRH de proximité pour « sauver » des postes d’Attachés en collège ?

Notre ministère est convaincu que depuis la décentralisation, et à l’aune de la réforme à venir de la fonction financière des EPLE (MF2)(3), les missions des AAE en EPLE (particulièrement en collège) ne seraient plus d’un niveau de cadre A et ne seraient plus attractifs. En réalité, notre ministère devrait poser la  question des conditions de formation, de rémunération, d’évolution de carrières et conditions de travail de ces personnels.

Si la GRH de proximité peut apporter des responsabilités nouvelles (quoique se limitant à une intervention de 1er niveau, qui n’est absolument pas le niveau d’expertise que l’on peut attendre d’un catégorie A…), difficile d’imaginer que l’académie de Rennes, seule pour le moment à expérimenter la GRH de proximité sur des cadres A administratifs en EPLE, va sauver des postes d’AAE à elle toute seule, s’il n’y a pas de volonté de notre ministère de le faire. Ou bien est-ce une commande ministérielle spécifique pour expérimenter dans notre académie avant de généraliser et imposer le dispositif à tous les attachés gestionnaires ?

De plus, le niveau d’acceptabilité de la charge de travail n’est pas défini clairement : l’expérimentation sera abandonnée si la surcharge de travail est trop conséquente, mais où place-t-on la barre ?  Ce qui nous est présenté comme une expérimentation basée sur du volontariat ne risque t-il pas de se généraliser et devenir à terme obligatoire pour tous les gestionnaires d’EPLE de catégorie A ? Car l’objectif est d’atteindre un maillage territorial complet (chaque agent doit trouver un gestionnaire de proximité à – de 20 minutes de son lieu de travail).

Quel avenir pour les  Attachés en EPLE ? 100% des postes profilés ?

Autre conséquence sur les AAE : un avenir sous forme de  généralisation du profilage des postes ? Le Sgen-CFDT dénonce depuis longtemps le développement du profilage des postes d’attachés : les postes dans les services sont profilés, ainsi que les postes en université, les postes d’agent comptable, les postes de fondés de pouvoir  alors que le corps des AAE, corps des cadres administratifs, a justement pour particularité de se composer de personnels qui ont vocation à occuper tout type de poste. Alors  à terme aussi des postes « profilés » GRH de proximité ? Et la disparition à terme des postes d’attachés qui ne seront pas profilés ?

Et demain, quelle fonction publique ?

Le projet de loi de transformation de la fonction publique, qui a orchestré la suppression des compétences des CAPA en termes de mobilité et d’avancement, la réforme des CHSCT, l’embauche facilitée de contractuels… Une fois disparue toute approche collective de la gestion des carrières, la GRH de proximité vise-t-elle  à l’accompagnement personnalisé ou au contraire à l’individualisation des carrières et  le profilage généralisé des postes ?

Disparition totale du « mouvement », généralisation de postes profilés avec recrutement par l’ex  BIEP (devenue la PEP : place de l’emploi public) ? Les embauches « profilées » sous statut de contractuel étant facilités, vont-elles devenir la règle, et facilement mises en œuvre grâce à cette GRH de proximité ?

Pour aller plus loin

la GRH de proximité  Sur le site du ministère

Le rapport IGAENR sur l’expérimentation de la GRH de proximité

Le rapport sur les problèmes de recrutement dans nos métiers

 

(1) Extrait  du projet de loi de finances 2018 « dans le domaine de la GRH, le modèle déployé au MEN présente le meilleur ratio d’agents gérés par gestionnaire : 6 gestionnaires pour 1000 agents contre 15 à 33 pour 1000 dans les autres ministères… » (voir notre dossier ci-dessous)

(2) RCBC : Réforme du Cadre Budgétaire et Comptable des EPLE (réforme de 2013)

(3) : Présentation de la   MF2


Notre dossier Sgen-CFDT : travail des personnels administratifs

Suppressions de postes administratifs : dans les services ça craque !