Le temps partiel menacé par les heures sup ? un projet inquiétant et absurde

En plein été, le ministère a présenté, malgré l'opposition unanime des syndicats, un projet de décret visant à proposer aux profs du 2nd degré exerçant à temps partiel des heures supplémentaires. Décryptage.

Travailler moins pour travailler plus ????

Il faut travailler au ministère de l’Éducation nationale pour constater ce type d’absurdité. Les personnels qui bénéficient d’un temps partiel sur autorisation le font précisément pour travailler moins et ne pas être obligé·es d’accepter des heures supplémentaires. Même si ce projet prévoit de proposer et non d’imposer des heures supplémentaires aux enseignants du second degré, la logique qui le conduit est pour le moins étrange. Toutes les organisations syndicales se sont donc opposées à ce projet. (communiqué de presse à lire ci-dessous)

Cumuler temps partiel et heures sup : pourquoi ?

Précisons tout d’abord qu’il est possible de bénéficier HSE (Heures Supplémentaires Effectives) quand on exerce à temps partiel. Il s’agirait cette fois d’HSA (Heures Supplémentaires Annuelles).

Un vieux décret permet de débloquer des HSE pour les remplacements courts (15 jours ou moins). Il s’agirait, selon le ministère, d’améliorer la gestion du remplacement.

Améliorer la gestion du remplacement : vraiment ?

Le COVID a certes bien compliqué la gestion du remplacement. Mais la suppression d’un nombre important de postes plus encore ! Rappelons que, durant les deux dernières années, ce ne sont pas moins de 160 postes qui ont été supprimés dans l’académie de Rennes, sans diminution d’effectifs pour les justifier.

La perte du pouvoir d’achat ces trente dernières années a induit aussi une crise du recrutement. Dans beaucoup de disciplines, il est difficile de trouver des remplaçant·es. « L’allemand, l’anglais, l’éducation musicale, les lettres classiques, les lettres modernes, les mathématiques sont les disciplines les plus concernées par ces difficultés » selon un rapport de la cour des comptes.

Mais du point de vue économique, il revient bien moins cher au ministère de faire travailler  plus les collègues que d’en embaucher.

Heures sup : tout bénéf pour le ministère

Selon la cour des comptes, « le coût moyen d’un emploi à temps plein (hors charge) est de 42 800 euros pour un certifié, 34 830 euros pour un contractuel, et de 24 551 euros seulement pour l’équivalent en heures supplémentaires » et « À titre purement indicatif, une heure supplémentaire effectuée par l’ensemble des enseignants du second degré correspond à environ 26 000 emplois.  »

Heures sup : tout bénéf pour les profs ?

Une HSE pour un·e certifié·e classe normale en milieu de carrière rapporte environ 40 euros contre 168 pour la première HSA (elle est majorée de 20%) et 140 pour les autres. Il est difficile de calculer le taux d’une heure de cours, le salaire enseignant ne se calculant pas ainsi. Un calcul très approximatif peut l’estimer autour d’une centaine d’euros. Ces HSA pourraient donc sembler très avantageuses financièrement. Mais elles créent de très fortes inégalités entre collègues, diminuent la qualité de vie au travail vu l’augmentation du nombre des tâches hors enseignement et surtout ne règlent en rien la question de la rémunération de base.

Heures sup et inégalités femmes-hommes

« Les HSA sont source d’écarts de rémunération entre hommes et femmes : plus d’hommes effectuent des HSA et parmi les enseignants qui en effectuent, les hommes bénéficient d’une rémunération supérieure à celle des femmes. Sur l’ensemble des enseignants bénéficiaires, les hommes sont rémunérés en moyenne à hauteur de 3 460 € pour les HSA réalisées contre 2 720 € pour les femmes soit un rapportfemmes/hommes égal à 1,27 (soit 27 % en plus pour les hommes) » (note de la DEPP 2019).

Par ailleurs, rappelons que certain·es de nos collègues ne peuvent pas en percevoir : CPE, profs doc notamment.

D’autres solutions pour améliorer le remplacement

La bivalence, sur volontariat et assortie de formation, permettrait en collège de stabiliser bien des emplois, d’éviter l’exercice sur deux voire trois établissements. Un schéma de recrutement pluri-annuel donnerait aussi de la visibilité à celles et ceux qui se destinent à l’enseignement, plus en accord avec les prévisions démographiques et pas les revirements politiques. Enfin, une véritable revalorisation du métier, sortant du dogme du gel du point d’indice,  endiguerait la crise des recrutements.

 

POUR ALLER PLUS LOIN

HEURES SUPPLÉMENTAIRES : Comment s’y retrouver ? – SGEN+ (cfdt.fr)

Les heures supplémentaires annualisées des enseignants en 2018-2019 dans le second degré (education.gouv.fr) 

Gérer les enseignants autrement – Rapport public thématique (vie-publique.fr)