Réforme du lycée : la fin de la classe ?

L’application scrupuleuse de la réforme dans les lycées a fait apparaitre des problématiques prévisibles mais non anticipées induites par la modification du traditionnel « groupe classe ».

En conséquence  d’effets recherchés positifs (choix réel des élèves pour  leurs spécialités, regroupement des  élèves sans  reconduction des séries, notamment S) de nombreux établissements se retrouvent avec des groupes d’élèves qui varient pour chaque enseignement ou presque.

Reconfiguration du groupe classe

Pour un même enseignement de spécialité, les élèves peuvent provenir de classes différentes, et dans une même classe les élèves « sortent » pour faire des spécialités différentes. Il n’y a donc plus que le tronc commun d’histoire géographie, d’EMC, d’enseignement scientifique ou d’EPS  (et encore quand il n’y a pas de dédoublement) qui  reçoivent des élèves en configuration « classe ». Et pourtant, les cours ne se déroulent pas forcément  à effectifs allégés, certains groupes de spécialité étant à 36, voire 37 élèves.

Cette redéfinition de « la classe » interroge en cette rentrée, après les inquiétudes de juin sur les emplois du temps et la possibilité pour les élèves de choisir librement ou pas les spécialités de leur choix. Cet aspect de la réforme demande une réflexion de fond sur la mission du professeur principal, les modalités d’accompagnement et de suivi des élèves, le déroulement des conseils de classe et l’organisation des évaluations. Faute d’avoir été anticipées par le ministère ces questions sont maintenant devant les équipes.

Des missions de Professeur Principal à redistribuer, voire à réinventer…

Le refus d’exercer les missions de Professeur principal par un nombre croissant d’enseignants de lycée s’explique d’abord par un ras-le bol suite à l’accroissement brutal de la charge de travail en cette rentrée. La mise en place de deux années en une rentrée pour les programmes de 2nde et première, le bouleversement des modalités des évaluations comptant pour le bac, le sentiment de ne jamais avoir été écouté sur les problématiques pragmatiques du métier pèsent lourdement sur le moral et l’engagement de bon nombre d’enseignants. Et l’ISOE ne compense pas la charge  de travail supplémentaire induite par les nouvelles missions de professeur principal (telles que redéfinies dans la circulaire de septembre 2018), notamment en classe de 2nde.

Il n’est plus possible de s’appuyer sur une seule personne pour continuer à assumer à la fois un climat de classe apaisé, des tâches  «collectives» diverses, les relations avec les familles, et l’accompagnement plus individualisé des élèves notamment dans le choix de leur orientation. Il est donc urgent de réécrire encore cette circulaire de mission. Il faut dépasser la seule réponse de deux Professeurs principaux  en terminale trouvée en urgence pour assurer l’accompagnement Parcoursup et permettre une variété de solutions adaptée à la diversité des lycées. Le Sgen-CFDT demande notamment la possibilité de mettre en place le tutorat multi-âge, ou le partage de ces missions entre plusieurs enseignants. Ces solutions doivent permettre à la fois une efficacité pédagogique et une amélioration des conditions de travail des enseignants.

…sans opposer les personnels entre eux (notamment  Psy-En et enseignants)

Les tâches d’accompagnement et d’orientation des élèves sont assez vastes pour que la coopération soit de mise plutôt que la concurrence entre personnels. L’articulation entre des approches collectives, en groupes, individuelles, informatives ou plus réflexives pour suivre et accompagner un élève dans la construction progressive de son parcours, relève de l’effort collectif des adultes : Psy-EN, PP, CPE, enseignants « ordinaires », parents…  Et cet accompagnement au parcours n’est pas uniquement un accompagnement à l’orientation.

Pour le Sgen-CFDT une organisation globale à l’échelle de l’établissement est nécessaire pour rechercher des dispositifs et pratiques adaptées et coordonnés aux diverses situations. Ainsi  un compte personnel d’accompagnement pourrait accordant des « droits » à l’accompagnement différents selon les élèves, et dont l’abondement dépendrait de différents indicateurs (par exemple le taux d’élèves issus des collèges REP/REP+).

D’une multiplicité de collectifs à un collectif d’établissement

Mais ce qui donnait du sens à la mission le PP était aussi de pouvoir compter sur une équipe pédagogique, notamment pour partager et porter des projets de classe. Or avec la multiplication des enseignants dans une classe, ce « collectif »  de projet risque de perdre en cohérence.

Il serait très préjudiciable aux élèves que des engagements collectifs disparaissent, il est donc urgent d’en construire de nouveaux.

Pour le Sgen-CFDT, le conseil pédagogique et ses déclinaisons en groupes de travail sont un levier de réorganisation de l’implication des enseignants dans l’établissement pour sa composante pédagogique (et non administrative). A terme, la nécessité de créer des conseils d’évaluation dans chaque  établissement sera aussi un élément important de réflexion collective.

Un calendrier scolaire également à réinterroger

Alors que rien n’a encore été publié sur le calendrier de l’année de terminale, le cumul des temps d’évaluation se profile déjà comme quasi insoutenable. Soustraire au temps des apprentissages des moments pour réaliser les évaluations, les corriger, harmoniser, faire des conseils de classe, des réunions avec les parents et préparer bientôt la rentrée 2020 annonce une année pénible pour tous. Il est urgent de prendre du temps et du recul sur les objectifs de chacun de ces temps pour réussir à leur donner du sens  pour les personnels,  pour les élèves et pour leurs familles. Ces temps nécessairement collectifs permettront sans doute de commencer à avancer sur les nouveaux collectifs à bâtir dans les lycées.