Réflexions sur la loi 4D et la gouvernance de l’EPLE

Loi 4D, article 32 : comment ce projet dénature les relations entre l'EPLE et les collectivités, les relations au sein de la gouvernance de l'Eple, et sort de l'esprit de la loi de décentralisation de 2004 (*)

Lors du comité technique ministériel du 17 mars, les organisations syndicales ont rejeté à l’unanimité le projet d’article 32 de la loi 4D.

Cet article prévoit de placer les adjoints-gestionnaires des EPLE sous le « pouvoir d’instruction » des collectivités territoriales. Le Sgen-CFDT est intervenu pour exprimer son désaccord.

Toutefois, la situation actuelle n’est pas non plus satisfaisante.

Mais finalement, la question essentielle ne serait-elle pas : et si l’on respectait déjà l’esprit de la loi en vigueur ?


 

S’il est effectivement nécessaire de clarifier une situation, il serait pertinent de faire un bilan des précédentes phases de décentralisation. Et en particulier en terme d’impact sur les conditions de travail des adjoints gestionnaires.

Appliquons déjà la loi existante

Comment sont appliqués les textes actuels ?

Faut-il rappeler que la situation actuelle régit  déjà les relations entre l’EPLE et les collectivités. Les conventions de partenariat qui existent ont pour  objectif de clarifier les relations entre les deux entités.

« Article L421-23 –Par dérogation aux dispositions des lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat et n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les agents de l’Etat ou des collectivités territoriales affectés dans un établissement public local d’enseignement conservent leur statut, sont administrés par la collectivité dont ils dépendent statutairement et sont placés sous l’autorité du chef d’établissement. »

Loi 4D : déni de la loi en vigueur ?

« Pour l’exercice des compétences incombant à la collectivité de rattachement, le président du conseil départemental ou régional s’adresse directement au chef d’établissement.

Il lui fait connaître les objectifs fixés par la collectivité de rattachement et les moyens que celle-ci alloue à cet effet à l’établissement. Le chef d’établissement est chargé de mettre en oeuvre ces objectifs et de rendre compte de l’utilisation de ces moyens.

Remise en question de la gouvernance de l’EPLE ?

Le chef d’établissement est assisté des services d’intendance et d’administration ; il encadre et organise le travail des personnels techniciens, ouvriers et de service placés sous son autorité. Il assure la gestion du service de demi-pension conformément aux modalités d’exploitation définies par la collectivité compétente. Un décret détermine les conditions de fixation des tarifs de restauration scolaire et d’évolution de ceux-ci en fonction du coût, du mode de production des repas et des prestations servies. »

CONVENTIONS ?

« Une convention passée entre l’établissement et, selon le cas, le conseil départemental ou le conseil régional précise les modalités d’exercice de leurs compétences respectives. »

loi 4D : dévoiement  ou changement de paradigme ?

La loi actuelle prévoit une convention entre l’EPLE et la collectivité. Si ces conventions étaient réellement élaborées en partenariat, et dans le respect mutuel, il serait inutile d’en rajouter.

Lorsque ce partenariat est réellement recherché par la collectivité, les relations sont sereines. Mais certaines  collectivités sont en recherche de pouvoir hégémonique sur l’Eple, et nient ce partenariat.

Faut-il y voir une volonté d’affaiblir l’équipe de direction de l’Eple ?

Instaurer un pouvoir d’instruction des CT sur le travail des adjoints gestionnaires ? Cela reviendrait à établir de facto un lien fonctionnel et/ou hiérarchique et personnel avec l’un des acteurs de l’équipe de direction de l’Eple. Cet acteur intervient actuellement en tant que représentant de l’ entité Eple. Et sous l’autorité du chef d’établissement. Ce serait donc un changement total de paradigme, qui placerait l’adjoint gestionnaire dans une situation encore plus inconfortable (et c’est un euphémisme) que maintenant.

Quel bilan ? Quelle évolution dans la  gouvernance de l’Eple ?

Nous proposons plutôt un travail de bilan et de réflexion au sein du ministère. Car il faut avant tout clarifier et conforter la place des adjoints gestionnaires dans et au centre des équipes de direction des Eple.  Ce sujet mériterait une véritable concertation, en associant les personnels concernés. Ils et elles n’ont que trop rarement l’occasion de s’exprimer sur la manière dont ils ont vécu, la manière dont ils vivent au quotidien les réformes passées.

Car bien souvent, les conditions de travail se sont dégradées. Et le partenariat qui devrait être instauré reste une coquille vide, avec surtout des injonctions des collectivités envers l’Eple.

Quel impact sur les conditions de travail ?

Ces collectivités pour lesquelles les conditions de la mise en œuvre de leurs choix sur le terrain, par des personnels de l’éducation nationale, n’est pas la préoccupation principale. Et tout se fait trop fréquemment sans concertation, sans information préalable, sans se préoccuper des moyens dont disposent les services d’intendance des EPLe.

LE PARTENARIAT NE PEUT FONCTIONNER QUE SI L‘ON EST DEUX A LE VOULOIR

Quid bien souvent du partenariat  et de la collaboration qui devraient prévaloir ?

On pourrait aussi évoquer les ingérences multiples des collectivités dans l’exercice de l’autorité fonctionnelle des Eple sur les agents techniques. Bien souvent il n’est plus possible dans les faits, d’exercer pleinement cette autorité fonctionnelle. Car le cadre fixé par la collectivité (autorité hiérarchique chargée du recrutement et de la gestion)  empiète largement sur les prérogatives fonctionnelles de l’Eple.

Alors s’il est besoin de clarifier quelque chose, il faudrait surtout clarifier et conforter la place des adjoints gestionnaires dans les équipes de direction des Eple.

Car ils et elles auraient besoin d’être davantage entendus, respectés et considérés dans leur expertise, et leur connaissance du terrain. Ils, elles savent ce qu’ils ont à faire, ils n’ont pas besoin qu’on leur dise COMMENT le faire.

Commencer par faire appliquer l’esprit de la loi

Il faudrait commencer par  réaffirmer que les relations entre l’Eple et la collectivité devraient être des relations de partenariat.

D’égal à égal.

Et dans le respect mutuel.

En finir avec les injonctions.

Faire un bilan de 15 ans de décentralisation

Et commencer enfin à appliquer la loi dans son esprit.

Pour la bonne scolarité des élèves.
Et la bonne qualité de vie et la santé au travail des personnels de l’éducation nationale.

 

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Aller plus loin :

(*) loi du 2004-809 du 13 août 2004

et aussi

loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République ;
article L421-23, modifié par la loi n°2013-403 du 17 mai 2013-article 1 (V)