Des risques différents…mais réels

Le virus nous confronte à une ennemi invisible. Outre le risque sanitaire, il génère d'autres types de risque, pernicieux eux aussi.

Des risques sanitaires liés à la reprise

Ce sont les risques les plus évidents. Chacun·e se positionne en fonction de ses arguments et de sa sensibilité sur la question du moment le plus opportun pour une reprise des cours, 12 mai ou septembre. Ce débat agite toute la société. Nous ne le reprenons donc pas ici.

Double travail et risque majoré de surmenage

Dès le début du confinement nous avons souligné les risques liés au travail à distance : effacement des limites entre les sphères de nos vies, professionnelle, familiale, personnelle. L’ordinateur, la tablette, le smartphone servent autant à notre usage professionnel qu’au suivi du travail de nos enfants ou à nos échanges sociaux.

Faire des coupures et sérier les différents types de temps est par conséquent compliqué.

Cette problématique due au confinement demeure valable puisqu’il nous faut prolonger les continuités (administratives, pédagogiques…..) de certaines classes ou parties de classes.

Mais il va nous falloir aussi assurer « l’accueil réel, physique » de nos élèves.

Cet accueil doit respecter strictement le protocole sanitaire ce qui nous impose de repenser totalement l’organisation de notre travail.

Cela introduit une donnée supplémentaire de découpage temporel dans une temporalité déjà mal définie et mouvante.

Le principe édicté – à juste titre – par l’Education Nationale d’éviter le double travail est en réalité beaucoup plus facile à énoncer qu’à mettre en oeuvre.

Des risques psycho-sociaux

Responsables donc coupables ?

A l’heure de la pré-reprise, à l’approche de la reprise, tout le monde s’affole. Sommes-nous prêt·e·s ?

Logistique

Les gestionnaires sont en butte aux difficultés de commande de matériel.  S’ils n’ont pas – a priori – la charge d’acheter les masques, ils ont celle de la commande et du paiement du gel. Le marché est tendu, les prix sont élevés. Ils ont dû rembourser les familles des sommes versées pour les voyages scolaires. Mais les  acomptes versés aux organismes restent à la charge de l’établissement. Leur budget a donc été mis à mal et personne ne prévoit – a priori – d’abondement pour amortir le choc.

Certains personnels de direction se demandent avec angoisse quand vont arriver  les masques . La société de transport devait les livrer jeudi, mais ils ne  sont pas arrivés dans leur établissement. Quand parviendra la nouvelle tournée prévue la semaine prochaine ? A temps pour le 18 ? Y en aura-t-il pour les élèves ?

A mesure que la pression augmente, surgit la question de la responsabilité. Nous venons à peine de découvrir un protocole sanitaire de 50 pages. Sommes-nous en capacité de le mettre en oeuvre et de le  faire respecter ?

Il ne s’agit pas seulement ici de responsabilité légale.  C’est  déjà en soi une question fondamentale pour les personnels de direction, qu’ils ou elles soient à la tête d’une école, d’un établissement, d’une direction académique ou d’un rectorat.

Il s’agit aussi – et sans doute surtout – de responsabilité morale.

Procédure et tension

Et si, moi enseignant·e, parce que j’ai eu un moment de relâchement, je ne vois pas qu’un élève a ôté son masque ?

Imaginons que, dans la cour de récréation, un élève s’approche à 50 cm d’un autre et que je m’en rende compte trop tard ?

Et s’il m’échappe qu’un élève est en train de prêter son stylo à un autre, ce qu’il n’a plus le droit de faire ?

Vais-je devoir me tenir sur mes gardes à chaque seconde avant même d’avoir franchi la porte de mon établissement ?

Attitude sanitaire et attitude humaine

Vais-je être capable de rester calme et bienveillant·e envers mes élèves alors que je suis stressé·e et angoissé·e par le respect du protocole ?

Comment expliquer à des élèves qui ont soif de rapports sociaux qu’il faut garder à tout prix ses distances et ne pas se toucher ?

Comment, étant peut-être moi-même surmené·e, angoissé·e, préoccupé·e par la santé d’un proche, vais-je pouvoir accompagner l’angoisse voire la détresse d’un·e élève face à la mort d’un des siens ?

Une prise en charge renvoyée à la sphère individuelle

A ces questions que nous pouvons toutes et tous nous légitimement nous poser, il n’y a sans doute pas de réponse simple et univoque.

Force est cependant de constater que l’Education Nationale – sans vouloir accuser qui que ce soit – n’est pas en mesure d’accompagner collectivement ses agents pour les affronter.

Certes, notre Rectorat rennais a mis en place dès le début du confinement une cellule d’écoute à destination des personnels.

Nous avons salué et applaudi cette initiative.

Certes, la Mgen, avec le réseau PAS, mène un travail indispensable et utile.

Cependant, ces dispositifs renvoient à une démarche individuelle, potentiellement culpabilisante de ce fait. « Je vais mal, je ne suis pas assez fort·e pour affronter la situation alors que je devrais assumer et assurer mon rôle social face à cette crise ».

Après une longue bataille, nous avons fini par obtenir la création de poste de psychologue pour les personnels de l’académie de Rennes. Il y a UN poste.

Les psy-EN doivent prendre en charge les élèves, pas les agent·e·s.

Quels sont les lieux où l’on peut – collectivement – évoquer des problématiques professionnelles et leur impact sur nous ?

Ces lieux manquaient déjà cruellement en temps ordinaire. Cette crise ne souligne que davantage leur absence.

Des risques chez les agents de l’E.N. mais pas que…

Nous venons d’évoquer les risques touchant les agent·e·s de l’E.N. Nous pensons aussi à nos élèves et n’omettons ni les risques de maltraitance au sein des familles, ni l’accroissement des inégalités.

Enfin, vous voulons saluer encore une fois  tous nos camarades des autres secteurs professionnels exposés depuis le début, en première ligne comme on a coutume de le dire désormais.